Haïti : Plus de deux mois après le tremblement de terre, la vie dure dans les camps25/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2173.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Haïti : Plus de deux mois après le tremblement de terre, la vie dure dans les camps

Après une période d'interruption liée au tremblement de terre du 12 janvier, nos camarades haïtiens de l'Organisation des Travailleurs Révolutionnaires, en dépit des difficultés matérielles, ont recommencé à faire paraître leur journal, La voix des travailleurs. Nous publions des extraits d'un article sur la situation des centaines de milliers d'habitants de la région de Port-au-Prince toujours sans abri.

Depuis le soir du violent tremblement de terre, environ deux millions de personnes des départements de l'ouest et du sud-est dorment à la belle étoile. Même ceux dont les maisons ne sont pas apparemment affectées craignent d'y entrer, et encore plus d'y dormir, par peur d'une réplique qui pourrait leur emporter la vie. On a assisté depuis à un véritable rush des centaines de milliers de personnes vers les places publiques et les terrains vides. L'effectif par camp varie de 200, 300 jusqu'à 60 000 suivant la superficie de l'espace squatté, comme celui de Delmas 40 qui compte environ 70 000 personnes. Les places publiques hébergent en général les regroupements les plus importants. (...)

La famine frappe aux portes de ces centaines de milliers de sinistrés. L'aide alimentaire est distribuée au compte-gouttes par des ONG locales et internationales. Le PAM, Programme alimentaire mondial, le plus grand pourvoyeur en aide alimentaire, s'est retrouvé après le séisme avec plusieurs tonnes de produits périmés, alors que les gens crevaient déjà de faim bien avant le séisme. À Food for the poor, il y avait encore dans les entrepôts, au cours d'un inventaire réalisé après le 12 janvier, de l'aide destinée depuis 2008 aux sinistrés des cyclones Ike et Anna de Gonaïves. Pour avoir droit à un kit ou une ration alimentaire d'une ONG quelconque, il faut être le plus souvent en possession d'un coupon couramment appelé carte. Aucun principe ne régit la distribution de ces cartes, parce qu'il n'y a pas de recensement au préalable dans les camps et chaque ONG travaille dans son coin, intervient où elle veut, sans aucune coordination. Ainsi, un individu débrouillard ou plutôt magouilleur peut avoir plusieurs cartes, alors qu'une famille nécessiteuse n'en dispose d'aucune. Les ouvriers et ouvrières d'usine, absents des camps de 5 heures du matin à 6 ou 7 heures du soir, n'ont aucune chance de bénéficier de ce coupon rare, distribué généralement au cours de la journée. On rencontre souvent des gens courant en vain d'un point à un autre comme des fous à la recherche de cartes.

Outre les ONG, les mairies procèdent elles aussi à des distributions d'aide alimentaire moyennant cartes. La situation n'est pas meilleure. Deux individus jugés suspects par la population, dont un policier de Carrefour Vincent, ont reçu de deux maires de Cité Soleil environ une centaine de cartes. Ils ont distribué une partie à leurs proches et ont vendu le reste jusqu'à 250 gourdes l'unité. À Haut Delmas, des agents de sécurité de la mairie de cette commune ont torpillé une distribution en raflant la part du lion des produits qui devaient être distribués. (...)

Dans certains cas, on peut aussi avoir droit à une ration alimentaire sans coupon, dans le cadre d'une distribution improvisée ou parfois annoncée. Mais dans les deux cas, les bénéficiaires doivent obligatoirement faire la queue. L'insuffisance de ces produits, la faim, la foule d'aspirants poussent les gens à sacrifier leur sommeil, à constituer les lignes tôt le matin, parfois vers 1 heure ou à 3 heures, pour être servis au milieu de la journée. (...)

Il faut souligner que les petits camps, de quelques centaines de personnes, sont souvent oubliés au profit de ceux de plusieurs milliers. Tout comme les rues où il n'y a pas de regroupement visible, de grande concentration de gens. Les distributeurs d'aide alimentaire ignorent l'existence de ces gens éparpillés au cours de la journée et qui, le soir, occupent la rue pour essayer de dormir. C'est un oubli volontaire, parce que l'écrasante majorité des ONG cherchent la visibilité, pour justifier les fonds et les dons en nature reçus. Plus le camp est vaste avec des milliers d'occupants, moins les justificatifs posent problème. Dans les photos, les bailleurs ou donateurs peuvent voir les logos, les affichettes ou les macarons de ces ONG à travers des tentes, des bâches ou quelques toilettes publiques. (...)

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