Créateur d'entreprise : Signe de crise plutôt que de reprise25/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2173.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Créateur d'entreprise : Signe de crise plutôt que de reprise

Christine Lagarde, la ministre de l'Économie, a annoncé des mesures pour développer le micro-crédit et réglementer ce mode de financement proposé à la fois par des associations et par des banques. Il paraît que ce serait une façon de lutter contre la crise et ses conséquences.

Les bénéficiaires du micro-crédit sont le plus souvent des chômeurs ou des travailleurs pauvres qui deviennent « auto-entrepreneurs« , et ce système aurait permis de créer ou de maintenir 48 000 emplois en 2008. Outre que le chiffre de 48 000 emplois créés ou maintenus semble bien dérisoire par rapport aux millions de chômeurs, ce statut est au mieux une façon de les surexploiter, au pire un moyen d'employer des travailleurs sans congés payés ni cotisation chômage, là où l'entreprise aurait dû recruter avec un vrai contrat de travail.

Autorisées à partir du 1er janvier 2009, ces auto-entreprises peuvent être créées juridiquement en quelques minutes sur Internet par n'importe qui, salarié, retraité, chômeur, étudiant. Cela explique le nombre et la diversité des entreprises ainsi fondées : artisanat, assistance informatique, commerce en ligne, dépôt de brevets et de marques, télésecrétariat, traduction, brocante, dératisation, cours de piano, pose d'ongles, tricotage à la main, etc. la moitié de ces auto-entrepreneurs sont des chômeurs, 17 % des retraités, 2 % des étudiants.

Les organisations représentant des artisans estiment que c'est pour eux une concurrence déloyale, une sorte de légalisation du travail au noir. Les caisses de retraite des cadres, auxquelles la majorité des auto-entrepreneurs sont automatiquement rattachés, craignent que cet afflux d'« actifs » ne déséquilibre leurs caisses de retraite. Mais surtout ce qui apparaît au bilan, c'est que ces auto-entreprises ne font guère d'affaires. Leur chiffre d'affaires est plafonné entre 30 000 et 80 000 euros, en fonction du secteur d'activité. Mais selon les chiffres officiels, portant sur le premier semestre 2009, seuls 18 % des auto-entrepreneurs avaient déclaré avoir fait un chiffre d'affaires. Cela n'est pas un obstacle à la multiplication des auto-entrepreneurs, car les prélèvements sociaux et fiscaux se font par prélèvement libératoire en fonction du chiffre d'affaires. S'il est nul, l'auto-entrepreneur ne paie rien et peut continuer à espérer, à défaut du succès sur le créneau qu'il a choisi, du moins en tirer un jour de quoi vivre.

L'auto-entreprise pourrait n'être qu'un leurre ou un rêve doré, comme le Loto, s'il ne donnait pas à des patrons, des vrais, la possibilité de pousser dehors des salariés, en leur proposant de continuer à travailler pour eux, mais avec le statut d'auto-entrepreneur comme cela s'est déjà produit dans d'autres pays. Au Portugal par exemple, près d'un demi-million de salariés sont ainsi devenus fictivement « travailleurs indépendants », avec de graves conséquences sur les retraites et la Sécurité sociale. Du coup ce n'est pas seulement une illusion, c'est un fléau.

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