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Grande-Bretagne : Bras de fer à British Airways
La grève de 72 heures des 12 000 stewards de British Airways (BA), l'ex-compagnie nationale britannique aujourd'hui privatisée, qui s'est déroulée du 20 au 22 mars, a pris le tour d'un bras de fer, non seulement avec la compagnie elle-même, mais aussi avec le gouvernement travailliste de Gordon Brown et, derrière lui, toute la classe politique.
À l'origine de cette grève, une restructuration comportant une baisse des effectifs en vol, plus d'un millier de postes supprimés, le passage d'autres en temps partiel, un gel des salaires, et des contrats beaucoup plus défavorables pour les nouveaux embauchés. La partie du plan concernant les effectifs a été imposée en novembre dernier, sans l'accord du syndicat qui organise les stewards (Unite, le plus grand syndicat britannique).
Willie Walsh, le patron de BA, qui s'était déjà fait remarquer en demandant (sans succès !) aux travailleurs de renoncer à un mois de salaire, ne cachait pas son but : en vue d'un mariage avec la compagnie Iberia, il voulait diviser BA en une compagnie de prestige spécialisée dans le vol d'affaires et une compagnie low-cost, au prix d'une réduction des salaires et des effectifs. Dans ce domaine, Walsh a d'ailleurs tout un pedigree : d'abord porte-parole du syndicat des pilotes de la compagnie irlandaise Aer Lingus, il prit la tête de celle-ci pour en faire la compagnie low-cost qu'elle est aujourd'hui, au prix d'une série de grèves dures.
Depuis novembre dernier, un combat à fleuret moucheté se déroule entre BA et Unite, combat dans lesquels les travailleurs n'ont été appelés à intervenir que dans le cadre de votes, où il s'agissait sans doute de se prononcer sur la grève, mais uniquement dans le but d'appuyer les négociateurs de Unite.
La direction de BA aura tout fait pour intimider les stewards. Elle aura fait appel aux tribunaux pour annuler leurs votes, menacé les grévistes de supprimer les tarifs à bas prix auxquels ils ont droit. Elle aura constitué, avec l'aide des médias, une « armée d'un millier de briseurs de grève » et même mis en place un syndicat « maison », il est vrai sans doute plus pour faire peur aux leaders de Unite qu'avec l'espoir d'y attirer des syndiqués.
Les leaders de Unite auront, eux aussi, tout fait pour éviter la grève. Quelques heures avant son début, ils proposaient encore à Walsh leur propre « solution » au conflit : en échange du rétablissement de 700 des postes supprimés et des effectifs en vol, ils proposaient que les 66 millions d'euros d'économies exigées par BA soient réalisés par une baisse de salaire de 2,6 % pour les stewards - 2,6 % qui viendraient en plus d'une hausse de 4,5 % des cotisations à la retraite entérinée par Unite en parallèle pour l'ensemble du personnel de BA. Pour faire bonne mesure, Unite donnait son accord à la compagnie low-cost voulue par Walsh, avec de nouveaux embauchés. En retour, Unite demandait à représenter les travailleurs de la nouvelle compagnie.
Autant dire que, comme dans tant d'autres conflits plus ou moins ouverts en Grande-Bretagne, c'est surtout de l'avenir de leurs appareils que se soucient les leaders syndicaux.
Cela dit, dans le cas présent, étant donné les provocations auxquelles se livrait BA, il était patent que Walsh voulait une capitulation de Unite pour dicter ses conditions. Et c'est devenu encore plus patent lorsque, à l'approche de l'ultimatum du 20 mars fixé par Unite, le conflit est devenu un enjeu politicien dans la campagne pour les élections parlementaires de mai.
Versant de chaudes larmes sur le sort des passagers de BA, les politiciens conservateurs ont sommé Gordon Brown de condamner la grève et surtout de rembourser à Unite sa contribution à la campagne travailliste. S'agissant de condamner la grève, Brown ne s'en est pas privé, au nom « des intérêts de l'entreprise », tout en éludant la question de la contribution électorale de Unite. Mais dans cette surenchère, le conflit chez BA a fini par faire figure de test de la volonté de Brown à se montrer « ferme » face aux travailleurs qui s'opposent aux attaques qui les visent.
C'est dans ce climat que la grève a démarré. Malgré cela et malgré le peu d'enthousiasme des leaders de Unite, les stewards ont tenu bon. BA n'a pas pu faire partir un nombre important des vols de son programme réduit et la moitié de ceux qui ont décollé sont partis avec leur fret, mais sans passagers. Au matin du deuxième jour, les parkings avions de Heathrow, le principal aéroport londonien, étaient pleins, forçant BA à envoyer des dizaines d'appareils à vide vers d'autres aéroports jusqu'à la fin de la grève.
Par le seul fait qu'elle ait eu lieu avec succès, cette grève aura été une claque pour tous ceux qui voudraient voir la classe ouvrière faire en silence les frais de la crise. Et on peut penser qu'elle redonnera un peu de confiance aux travailleurs les plus combatifs.
Mais il y a loin d'une claque à une victoire. D'autant que les leaders de Unite étaient déjà en train de remettre sur la table leur « solution » scélérate avant même que la grève soit terminée.
Une nouvelle grève, de quatre jours celle-là, doit commencer le 27 mars - si Unite ne l'annule pas au dernier moment, comme si souvent dans le passé. À cette occasion, se posera pour les stewards la question de faire le tri entre leurs faux amis à la direction de Unite, et leurs véritables alliés, tels ceux de la manutention-bagages de BA, eux aussi visés par les attaques de Walsh, mais maintenus à l'écart du conflit par Unite.