États-Unis : La loi sur l'assurance santé - Cadeau pour les assureurs... et attaque contre les travailleurs25/03/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/03/une2173.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : La loi sur l'assurance santé - Cadeau pour les assureurs... et attaque contre les travailleurs

D'après les commentaires dont la presse n'est pas avare, Barack Obama aurait réussi à faire passer une réforme de portée historique qui fournirait, à la quasi-totalité de la population américaine, une couverture médicale dont des dizaines de millions de personnes étaient jusqu'alors dépourvues. Mais ce que l'on peut qualifier d'historique est l'ampleur du racket auquel la population va être soumise, sans que personne puisse affirmer qu'il y aura le moindre progrès dans la qualité des soins prodigués.

La loi adoptée dimanche 21 mars est la version que le Sénat avait déjà adoptée à la veille de Noël. Il ne s'agit nullement d'offrir une sorte de Sécurité sociale à la population, mais de la livrer pieds et poings liés aux assureurs privés. En 2014, date d'application de la loi, c'est auprès d'eux que, sous peine d'amende, chacun aura l'obligation de s'assurer, s'il ne bénéficie pas d'une assurance fournie par l'employeur ou s'il ne dépend pas des assurances d'État pour les pauvres (Medicaid) ou pour les travailleurs âgés (Medicare). L'aide consentie aux moins fortunés pour se payer une telle assurance privée est dérisoire au regard de leur coût, qui va encore fortement augmenter pour une série de raisons, dont la moindre n'est pas l'engagement pris par Obama de ne pas s'opposer aux augmentations pendant dix ans !

Assurance médicale et couverture médicale

Obama embrouille volontairement les choses en jouant sur les mots, car s'il est sans doute vrai que 32 millions de personnes qui n'étaient pas assurées auront une assurance médicale, cela ne signifie pas du tout qu'elles auront une couverture médicale correcte et les moyens de se soigner. Les assurances bon marché ne couvrent pas grand-chose. Quant aux autres, elles s'avèrent ruineuses dès qu'on est malade.

Les seules assurances qui offrent une couverture médicale adéquate sont considérées comme des assurances « de luxe », appelées « plans cadillac », dont la nouvelle loi taxe fortement les primes : 40 % au-delà d'un certain plancher ! Un cinquième des employeurs fournissent à l'heure actuelle de tels plans à leurs salariés. Parmi ces employeurs, les deux tiers annoncent déjà leur intention, plutôt que de payer cette taxe, de réduire les risques couverts par l'assurance ou de laisser une plus grande partie des frais médicaux à la charge des salariés, afin de ramener les primes sous le plancher. Toute une partie de la classe ouvrière sera pénalisée par la nouvelle loi. Le bureau des statistiques du Congrès estime que d'ici 2019, celle-ci aboutira à diminuer de trois millions le nombre de travailleurs qui bénéficient d'une assurance médicale fournie par leur employeur.

Quant à la couverture médicale dont bénéficieront les 16 millions de personnes que la nouvelle loi prend en charge au titre de Medicaid, il n'y a aucune illusion à se faire. Aujourd'hui, le système est déjà complètement débordé et sous-financé au point que les médecins et les hôpitaux refusent bien souvent de soigner les personnes relevant de Medicaid. Or la nouvelle loi prétend faire encore des économies sur ce programme, au moment même où elle prétend assurer une couverture médicale à 16 millions de personnes de plus. En fait l'État fédéral laisse les différents États gérer cette contradiction insoluble !

Économies drastiques sur la couverture médicale des vieux travailleurs

Enfin c'est sur le programme fédéral de Medicare concernant les vieux travailleurs de plus de 65 ans que l'État veut récupérer l'essentiel des économies qu'il souhaite réaliser. Près de 500 milliards d'économies sur dix ans vont être faites sur le dos des vieux travailleurs. Ainsi, la mise en place de la nouvelle loi, qui doit coûter 940 milliards sur dix ans, devrait néanmoins permettre une réduction du déficit budgétaire de 143 milliards de dollars en dix ans.

En fait l'objectif premier de cette prétendue réforme de l'assurance maladie était de faire réaliser à l'État fédéral des économies considérables, au détriment des seuls systèmes d'assurance maladie gérés pas les assureurs privés et, tout en faisant mine « d'offrir » une couverture médicale universelle, de forcer la population à passer sous la coupe de ceux-ci.

Deux jours après le vote de la loi, le New York Times écrivait : « Au centre des modifications de l'assurance médicale, il y a les centaines de milliards de dollars d'économies réalisées sur Medicare et Medicaid. Comme quelques officiels le reconnaissent, cela ne permet pas à la Commission de réduction de la dette publique, qui doit commencer ses travaux, de couper davantage dans ces grands programmes sociaux.

Reste le système fédéral des retraites, l'autre grand programme social dont Obama a dit dans le passé qu'il voulait s'en occuper. Bien que les problèmes du système des retraites n'atteignent pas l'ampleur de ceux de Medicare, beaucoup de spécialistes du budget estiment que c'est là maintenant la source la plus vraisemblable de ces économies massives qui sont nécessaires pour ramener les déficits budgétaires annuels prévus à un niveau supportable. »

La politique d'Obama est bien de faire payer à la population le déficit qu'il a creusé dans le budget de l'État en sauvant les banques. C'est en fait dans ce contexte que s'inscrit sa « réforme » de l'assurance maladie. Il ne s'en prend nullement aux assureurs ni à tous les capitaux privés qui profitent du système, mais à la population, pour l'obliger à payer de plus en plus cher pour des soins réduits. Loin d'être un progrès, comme les politiciens et commentateurs aux ordres voudraient le faire croire, il s'agit d'une nouvelle attaque en règle contre la population laborieuse.

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