- Accueil
- Lutte ouvrière n°2132
- L'anniversaire du débarquement en Normandie : Guerre pour la «démocratie» ou pour les intérêts impérialistes ?
Divers
L'anniversaire du débarquement en Normandie : Guerre pour la «démocratie» ou pour les intérêts impérialistes ?
Le 6 juin 1944, des milliers de jeunes vies furent effectivement sacrifiées. C'était un choix délibéré des états-majors alliés : sans base arrière, avec juste l'aviation et la marine pour les soutenir, il leur fallait, pour prendre pied sur le continent, envoyer plus d'hommes que les armes allemandes ne pouvaient en abattre dans le même laps de temps. 132 000 soldats débarquèrent ainsi en vagues ininterrompues durant toute la journée, en sachant que les premiers qui touchaient le sol avaient peu de chances de survivre. Dans les rangs alliés, 2 500 soldats furent ainsi tués dans une seule journée. Du côté allemand, les pertes furent similaires, sinon supérieures. Le débarquement allié fut une boucherie - comme il y en eut bien d'autres au cours de cette guerre.
Pour les peuples d'Europe qui subissaient depuis des années une oppression féroce exercée par le régime nazi, le débarquement allié sur les côtes normandes apportait évidemment l'espoir d'en finir avec la guerre, l'occupation militaire, les massacres de populations, à commencer par celui des Juifs, les arrestations et exécutions de tous les opposants à ce régime de terreur, dont les communistes allemands furent les premières victimes, les camps de concentration, le travail forcé et les privations endurées.
Depuis 65 ans, les dirigeants des États alliés de 1944, Obama et Sarkozy aujourd'hui, continuent de prétendre que la Seconde Guerre mondiale fut d'abord le combat pour la liberté et la démocratie contre la dictature, et non un affrontement entre deux groupes de brigands impérialistes.
Les soldats américains prêts à laisser leur vie dans cette guerre croyaient eux aussi, dans leur grande majorité, qu'ils défendaient un idéal de démocratie. Depuis la fin de l'année 1941 où, après l'attaque de Pearl Harbour, le gouvernement américain s'était engagé dans la guerre, une intense propagande avait été menée en ce sens aux États-Unis. Le gouvernement de Roosevelt se présentait comme le défenseur des libertés démocratiques volant au secours des nations opprimées.
Pourtant, en fait de droits démocratiques, les gouvernements alliés les foulaient aux pieds, y compris aux États-Unis où les Noirs américains étaient une minorité privée des droits civiques, et même de celui de travailler dans des usines se rapportant au domaine militaire, comme l'aviation. Pendant le débarquement, ils furent pour l'essentiel confinés dans des tâches de ravitaillement ou de logistique, le gouvernement américain craignant de leur donner des armes. Quant aux Américains d'origine japonaise vivant sur la côte Ouest, ils étaient internés dans des camps depuis 1942.
Les autres alliés ne brillaient guère plus par le respect de la « démocratie » : la Grande-Bretagne et la France possédaient un empire colonial dont elles pillaient les richesses, et à qui elles refuseraient d'accorder l'indépendance des années après la fin de la guerre.
Les alliés avaient d'ailleurs attendu bien longtemps avant de déployer la bannière « démocratie ». Durant les années trente, la terreur exercée par le régime nazi était connue. Les gouvernements occidentaux connaissaient parfaitement les assassinats commis par les fascistes, les arrestations et l'existence de camps. Ils savaient que les Juifs avaient perdu tous leurs droits et étaient pourchassés. Mais on n'avait guère entendu qu'une discrète désapprobation. États-Unis, France et Grande-Bretagne cherchaient avant tout à composer avec Hitler. Il en avait été de même quand les armées allemandes envahirent la Tchécoslovaquie en 1938 et 1939.
Plus tard, dans les années 1944-45, les dirigeants américains et britanniques, entre autres, montrèrent quel cas ils faisaient des populations civiles, en bombardant massivement les grandes villes allemandes et japonaises pour terroriser les peuples et prévenir toute rébellion contre l'ordre mondial qu'ils comptaient établir.
En fait, la défense des libertés démocratiques et le respect de la volonté des peuples n'avaient rien à voir dans les choix des dirigeants alliés. Il s'agissait, d'abord, de défendre les intérêts économiques des gros capitalistes et de l'élite fortunée de leur pays. Les États-Unis étaient entrés dans le conflit mondial en 1941 parce que l'impérialisme allemand, qui dominait l'Europe, ainsi que l'impérialisme japonais, qui s'étendait en Asie, étaient pour eux des concurrents dangereux.
Après que les impérialismes français et britannique eurent montré leur faiblesse devant les forces militaires allemandes, ils n'étaient plus des rivaux pour l'impérialisme américain. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, celui-ci allait seulement devoir composer avec un autre de ses alliés, l'URSS, dont l'effort militaire et le sacrifice de près de vingt millions d'hommes allaient peser d'un poids énorme dans la défaite de l'impérialisme allemand.
En juin 1944, une grande partie des populations européennes pouvait voir l'arrivée des forces alliées en Normandie avec un soulagement bien compréhensible. Mais la fin de la Seconde Guerre mondiale n'allait déboucher sur rien d'autre qu'un nouvel ordre impérialiste. Depuis ce moment, les États-Unis et leurs alliés poursuivent leur domination économique et politique de la planète en empêchant toute remise en cause par les peuples de cet ordre établi. Et ils le font y compris par la guerre, même si c'est toujours au nom de la défense de la « démocratie » qu'ils ont mené des guerres en Corée et en Indochine, en Algérie et au Vietnam, en Irak et maintenant en Afghanistan.