Catastrophe du vol Rio-Paris : Un brouillard officiel qui ne doit rien à la météo10/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2132.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Catastrophe du vol Rio-Paris : Un brouillard officiel qui ne doit rien à la météo

Le 1er juin, le vol AF 447 Rio-Paris sombrait dans l'Atlantique avec 228 personnes à bord. Le 8 juin, un syndicat de pilotes, Alter, appelait le personnel navigant technique à réagir « afin qu'une catastrophe ne se reproduise pas ». Et, « dans l'attente des résultats des diverses enquêtes ouvertes », il les invitait à « refuser tout vol » sur les Airbus A330 et A340 dont au moins deux des trois sondes Pitot (indispensables car permettant aux pilotes de connaître la vitesse de l'avion) n'auraient pas été modifiées. Le lendemain, Air France faisait savoir que neuf de ses Airbus desservant notamment les lignes transéquatoriales avaient été entièrement équipés de nouvelles sondes, et que pas un autre Airbus ne volerait sans avoir au moins deux nouvelles sondes sur trois.

Les choses deviennent plus claires après une semaine pendant laquelle des représentants d'Air France et du BEA (Bureau d'enquêtes et d'analyses) de l'aviation civile ont avancé devant les caméras diverses hypothèses, semblant surtout chercher à entretenir un certain brouillard. Des explications plus ou moins officielles ont été ainsi données sans rapport direct avec l'enchaînement des faits et des pannes, dont on avait eu connaissance en haut lieu dès la nuit du drame.

Car on a eu droit à tout, ou presque, en matière de communication officielle autour de ce crash : panne électrique, foudre, orage intertropical d'une violence exceptionnelle (malgré le démenti d'un responsable de Météo France affirmant que la situation météo du vol avait été « habituelle »), erreur suggérée de pilotage, possibilité d'un attentat terroriste que le ministre de la Défense « refusait d'exclure »... Les responsables d'Air France, d'Airbus et du BEA savaient pourtant, dès le 1er juin, que les sondes Pitot du Rio-Paris avaient cessé de fonctionner.

Air France en avait même été informé en direct. Durant les minutes précédant le crash, plusieurs messages automatiques de panne avaient été envoyés par l'avion à la Maintenance au sol d'Air France : le premier, concernant ces sondes, indiquait que l'équipage n'avait plus la maîtrise de sa vitesse réelle. C'est ce que le BEA a retransmis, à destination de l'opinion, en évoquant, dans un flou artistique, une « incohérence des différentes vitesses mesurées »...

De cette panne, il ne pouvait que résulter une situation dramatique quand, pour des raisons d'économie de kérosène, les équipages sont incités à voler le plus haut possible. Or, plus l'altitude est élevée, plus il faut voler, disent les pilotes, « sur une tête d'épingle ». Car leur marge de manoeuvre se réduit alors dans l'appréciation de la bonne vitesse, entre celle, trop élevée qui ferait approcher les structures de l'appareil de leurs limites de résistance, et celle, trop faible, qui provoquerait un décrochage, autrement dit la brusque descente d'un avion devenu incontrôlable. Il y a peu, dans des conditions similaires, un Airbus de Qantas (lignes australiennes) avait chuté de plusieurs milliers de mètres.

Grave ou pas, tout incident de vol doit obligatoirement faire l'objet d'un ASR, un rapport de sécurité que, même en cas de faute de leur part, le commandant de bord et le copilote doivent remettre à leur compagnie et à la DGAC (Direction générale de l'aviation civile). La DGAC fait ainsi partie des organismes et institutions qui avaient connaissance des risques de perte de vitesse, donc de contrôle, d'un appareil, dus à des problèmes (notamment de givrage) des sondes Pitot : sept de ces rapports sur des problèmes de sondes, dont trois rien qu'en 2008, ont été émis, certains pour des appareils ayant lancé des appels de détresse ou ayant dû perdre d'urgence de l'altitude.

Pire : cela fait des années qu'Airbus connaissait ces problèmes. Quant à Air France, il avait déjà fait remplacer ces sondes sur ses A320 et entrepris, depuis avril, de le faire sur ses A330 et A340.

Seulement, ces modifications coûtent de l'argent : en termes d'équipement et surtout en temps d'immobilisation des avions, alors que les compagnies font en permanence la chasse à tout ce qu'elles considèrent comme des dépenses inutiles.

Dans le cas du A330 ralliant Rio à Paris, les Pitots n'avaient pas encore été modifiés. Cela risquait d'avoir des conséquences tragiques, les responsables d'Air France, d'Airbus, du BEA et de l'aviation civile ne pouvaient pas l'ignorer. Les passagers et les membres de l'équipage, eux, n'en avaient pas été informés...

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