Le discours d'Obama au Caire : Mais où est le changement ?10/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2132.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le discours d'Obama au Caire : Mais où est le changement ?

Une fois débarrassé des formules de politesse et autres références religieuses, le discours de Barack Obama du 4 juin au Caire n'indique pas vraiment de changement dans la politique américaine. Le nouveau président la maintient intacte dans ce qu'elle a de violent et d'injuste à l'égard des populations opprimées, en particulier dans les pays où domine la religion musulmane à qui son discours s'adressait.

Bien évidemment, son discours ne s'adressait pas aux peuples d'Irak ou d'Afghanistan, ni aux pauvres du Liban, de Jordanie ou du Pakistan. Il s'adressait aux classes dirigeantes de ces pays qui se rangent dans le camp des puissances occidentales, pour leur dire que les États-Unis sont à leurs côtés et s'opposeront à tous ceux qui menacent le pouvoir de leurs alliés, fussent-ils de futurs dictateurs utilisant eux aussi l'embrigadement religieux pour parvenir à leurs fins. D'ailleurs, toute la rhétorique en faveur d'un islam modéré opposé à un islam radical sonne curieusement quand on sait qu'en Arabie saoudite, grand allié des USA, les pratiques religieuses imposées sont loin d'être « modérées ».

Ce qui dans le discours d'Obama a le plus retenu l'attention a bien sûr été la partie consacrée à la situation au Proche-Orient. Mais rien dans les propos tenus n'indique qu'une nouvelle politique sera mise en oeuvre par l'administration américaine et qu'enfin sera exigé d'Israël le respect des engagements devant mener à la création d'un État palestinien. Obama s'est simplement contenté de demander ce que d'autres (Clinton ou les Bush père et fils) avaient demandé avant lui, à savoir le gel de l'extension des colonies israéliennes en Cisjordanie. Car rien de plus ne figurait dans son discours, si ce n'est quelques propos choquants en direction des Palestiniens, leur demandant de ne plus « tirer des roquettes sur des enfants endormis, ou de faire exploser des vieilles femmes dans les autobus », et cela si peu de temps après les bombardements israéliens aveugles et meurtriers sur la population civile de Gaza, qui ont fait au moins 1 400 morts, dont plusieurs centaines d'enfants.

Si Obama voulait véritablement contraindre les gouvernants israéliens, il aurait été non seulement plus précis mais aussi plus ferme. En se limitant à demander le gel des colonies, il accepte le maintien de la situation en l'état, et donc le vol des terres palestiniennes qui s'est poursuivi depuis l'occupation de la Cisjordanie après la guerre de 1967.

Alors, que peuvent craindre les Nétanyahou et autres Liberman ? Israël peut garder toutes ses colonies, laisser en place le mur de séparation qui annexe nombre de territoires, maintenir ses check-points qui rendent insupportable la vie des Palestiniens, les obligeant à vivre reclus dans de petites enclaves. Le gouvernement israélien peut continuer à enfermer, affamer et priver de soins près d'un million et demi d'hommes et de femmes dans la bande de Gaza, sans qu'Obama, ni aucun autre dirigeant du monde occidental d'ailleurs, ne s'y opposent vraiment.

Se voulant convainquant, Obama a demandé aux Palestiniens de prendre modèle sur la lutte des Noirs américains pour leur émancipation, et sur celle « des peuples de l'Afrique du Sud à l'Asie du Sud », vantant pour tous leur non-violence. C'était oublier les combats et les guerres souvent atroces que ces peuples ont dû subir et parfois mener pour leur affranchissement, y compris aux États-Unis. Et combien de temps encore recommandera-t-il aux Palestiniens de supporter dans la « non-violence » la violence de l'occupation israélienne ?

La mémoire orientée de Barack Obama ne pourra certainement pas anesthésier celle du peuple palestinien, qui depuis soixante ans se bat pour sa dignité et son émancipation. Le « changement » de la politique américaine promis par Obama n'est jusqu'à présent qu'un changement dans le ton, et encore faut-il une oreille exercée pour le percevoir.

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