Irak : Accords de cessez-le-feu ou manoeuvres électorales?13/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1889.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Accords de cessez-le-feu ou manoeuvres électorales?

Quel crédit peut-on apporter à l'annonce faite par les autorités américaines d'un accord de cessez-le-feu à Sadr City, la banlieue-taudis chiite de Bagdad, et de négociations avec la résistance sunnite qui seraient sur le point d'aboutir à Fallouja? C'est d'autant plus difficile à dire que cette annonce tombe vraiment à pic pour le candidat-président Bush, à un moment où, d'après les sondages, son bail à la Maison-Blanche serait de plus en plus menacé.

Ce que l'on sait c'est que depuis un mois que les forces américaines se livrent à des "bombardements sélectifs" sur les deux villes, en évitant néanmoins tout affrontement direct, la résistance à l'occupation n'a pas donné de signes d'essoufflement. Bush espérait peut-être qu'avant les élections américaines du 2 novembre le drapeau américain flotterait sur les ruines de Sadr City ou de Fallouja sans avoir dû pour cela risquer un bain de sang, non seulement pour la population -ce dont il se moque- mais surtout pour les troupes américaines -ce qui lui pose un problème électoral. Eh bien, il en est pour ses frais!

En effet non seulement ces opérations punitives et meurtrières ne semblent pas avoir affaibli la résistance armée dans ces villes, mais le chaos engendré dans tout le pays par l'invasion occidentale continue à s'étaler au grand jour de façon aussi spectaculaire que sanglante. Quoi qu'ils puissent dire à propos de prétendus "terroristes étrangers" opérant en Irak, les dirigeants américains ne peuvent guère cacher à leur opinion publique les attentats suicides, prises d'otages et autres décapitations qui s'y déroulent. Or pour toute une partie de cette opinion, ces actes apparaissent comme autant de preuves de la faillite de la politique guerrière de Bush en Irak. D'où la nécessité pour l'administration Bush de trouver quelque chose qu'elle puisse présenter comme un "progrès", afin de compenser une partie de son discrédit.

Et effectivement, si l'on en juge par ce que rapportent les correspondants de presse sur le terrain, y compris les moins critiques par rapport à la politique américaine, les accords dont se vante Washington sont loin de faire autorité dans les rangs de la résistance.

À Fallouja par exemple, selon le correspondant de la BBC britannique, les autorités américaines auraient bien trouvé un notable local prêt à "négocier" avec elles au nom de la résistance, mais celui-ci ne représenterait qu'une minorité des groupes armés.

À Sadr City, selon le journal Le Monde, il y aurait bien eu accord, mais il ne ferait pas l'unanimité parmi les différentes factions de "l'armée du Mahdi", la milice du leader intégriste Moqtada Al-Sadr qui contrôle cette banlieue. Surtout, d'après le correspondant de l'agence britannique Reuters, le cessez-le-feu semble avant tout reposer sur une "fenêtre de cinq jours", offerte par le commandement américain, durant laquelle les bombardement seraient suspendus tandis que la police irakienne paierait "50 dollars pour chaque AK-47 ou munition pour lance-roquettes ou mortier" qui lui serait livré. Et ce journaliste de noter l'absence de candidats visibles au principal point de collecte malgré "le tas de lance-roquettes et mortiers rouillés, d'obus d'artillerie, mines anti-chars et fusils d'assaut" disposé là pour les besoins de la télévision, invitée à prendre toute la mesure de l'efficacité de la politique américaine.

En fait d'accord de cessez-le-feu bénéficiant de l'appui d'une partie significative de la résistance armée, tout semble indiquer plutôt une tentative des dirigeants américains de calmer le jeu et de gagner du temps en attendant l'échéance de l'élection présidentielle de novembre. Quitte à reprendre l'offensive ensuite quel qu'en soit le résultat, et de façon bien plus brutale, comme l'a laissé entendre le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld en prédisant une augmentation "de la violence et des difficultés" avant les élections irakiennes, toujours officiellement prévues pour janvier prochain.

D'ailleurs, le jour même où Rumsfeld faisait cette déclaration à Bagdad et où était annoncé le "cessez-le-feu" à Sadr City, trois attentats visaient les forces américaines, suivis de deux autres le lendemain. Au total, ces attentats auront fait 45 morts, dont quatre soldats américains, et au moins 150 blessés, dont cinq marines. À quoi viennent s'ajouter les 135 Irakiens morts lors d'affrontements avec les troupes américaines près de Ramadi, quelques jours auparavant.

Ce n'était là qu'une semaine ordinaire pour l'ordre sanglant imposé par l'impérialisme en Irak. Et ce ne sont pas les effets d'annonce de la Maison-Blanche qui y changeront quoi que ce soit.

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