Auchan et Leclerc : Les voleurs, ce sont les patrons13/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1889.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Auchan et Leclerc : Les voleurs, ce sont les patrons

La direction d'Auchan s'est sentie obligée de réintégrer sept caissières sur les vingt-neuf qu'elle avait licenciées dans plusieurs de ses magasins du Sud-Ouest. La "faute grave" qu'elle invoquait était d'avoir utilisé des bons d'achat abandonnés ou offerts par certains clients n'ayant pas l'intention de les utiliser. En l'occurrence, elles n'avaient rien "volé" puisque ces bons de réduction étaient intégrés dans les calculs d'Auchan, ou du producteur de la marchandise.

Les employées ont eu beau protester de leur bonne foi, démontrer qu'elles ne cherchaient nullement à se cacher puisqu'elles avaient effectué les achats en question avec leur carte Auchan, qu'elles avaient remboursé ces sommes dérisoires, rien n'y a fait. Elles ont été raccompagnées à la porte du magasin comme des voleuses et menacées d'une plainte.

Ce genre de pratique n'a rien d'inhabituel dans la grande distribution, comme c'est habituel dans bien des entreprises. Et si l'affaire n'en est pas restée là, c'est uniquement parce que cela a fait du bruit. Des syndicalistes ont fait signer à la porte des magasins des pétitions de soutien aux employées licenciées, recueillant de multiples témoignages de sympathie des clients qui sont bien placés pour constater les conditions de travail des caissières.

Finalement ce scandale a réussi à assurer une publicité (mauvaise) aux promoteurs de "la vie aux champs"! Le secrétaire général du groupe a dû se résoudre à se rendre sur place, s'est donné une semaine pour examiner ce qui était clair comme eau de roche dès le début, et a finalement déclaré que "certaines décisions prises par des magasins de la région bordelaise étaient disproportionnées" et qu'il décidait "d'en revoir une partie". Sept employées en CDI ou en contrat de qualification seront réintégrées. Mais là s'arrête "l'esprit d'ouverture", à motivation purement publicitaire, dont s'est prévalue la direction générale. Pour le reste, rien. Quatre caissières en CDD percevront simplement leurs salaires et des indemnités restantes. Pour les autres, il a juste été question de revoir la qualification du licenciement, c'est-à-dire de revenir sur l'accusation de "faute grave", ce qui leur permettrait de toucher des indemnités de licenciement. Mais même là-dessus rien n'est acquis, puisque ce dirigeant d'Auchan s'obstine à parler du "vol caractérisé" dont se seraient rendues coupables les caissières.

Pourtant, s'il y a des voleurs caractérisés dans la grande distribution ou ailleurs, ce sont uniquement les patrons des grandes surfaces, qui bâtissent des fortunes parmi les premières de France sur l'exploitation de leurs employés. Et pas seulement chez Auchan. Les mêmes méthodes ont cours chez d'autres. Ainsi apprend-on que cinq caissières du centre Leclerc de Tonnerre, dans l'Yonne, ont été licenciées pour un motif similaire.

Les trois quarts des embauches dans ce secteur se font en CDD, et le personnel n'arrête pas de tourner. Outre la précarité, le temps partiel imposé et le salaire dérisoire qui va avec sont la règle. Ainsi chez Auchan à Bordeaux, l'horaire minimum garanti n'est que de 28heures, après être resté longtemps à 25h. Les salaires vont de 700 à 960 euros, suivant le nombre d'heures supplémentaires que la direction daigne accorder au-delà de ce minimum. Cela donne une amplitude de travail qui peut varier de 4à10h de travail par jour, le magasin devant tourner de 8h30 à 22h avec le minimum de personnel. Et il y a certainement encore pire en la matière.

Dans les grandes surfaces, l'incertitude règne pour les employés, non seulement sur leur avenir en fin de contrat mais aussi en ce qui concerne leurs horaires au jour le jour. Et cela permet toutes les pressions de l'encadrement qui en veut toujours plus, reprochant aux caissières les files d'attente trop longues alors même qu'une partie des caisses restent fermées pour économiser le personnel.

Les milliardaires de la distribution considèrent leur personnel comme les seigneurs considéraient leurs serfs: corvéables, taillables et souvent jetables!

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