Des médicaments qui assurent le bien-être... des laboratoires13/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1889.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Des médicaments qui assurent le bien-être... des laboratoires

Jeudi 30 septembre, le laboratoire américain Merck annonçait le retrait mondial d'un de ses médicaments, le Vioxx, un anti-inflammatoire, après que des études eurent montré que son utilisation au long cours augmentait le risque de maladies cardio-vasculaires. Deux semaines plus tôt, le trust belge UCB avait annoncé l'arrêt de la commercialisation en France de Zyrtec, un antiallergique, pour déjouer la concurrence des génériques. Deux retraits de médicaments, pour deux raisons différentes, mais dans une seule et même logique.

Une sacrée vache à lait pour Merck

Lancé en 2001, Vioxx représentait déjà en 2003 10% du chiffre d'affaires mondial de ce géant de la pharmacie avec 2,55 milliards de dollars! En France, il était déjà au dixième rang du palmarès des médicaments remboursés par la Caisse nationale d'assurance maladie, au dixième rang de ceux qui coûtent le plus cher à la Sécurité sociale.

Il faut dire que, lors de son lancement, il avait bénéficié avec son concurrent Celebrex d'une campagne de publicité qu'on pouvait dire "jamais vue". Des placards dans la presse médicale, des armées de visiteurs médicaux chez les médecins et même des articles grand public avaient annoncé leur arrivée comme une véritable révolution. Anti-inflammatoires d'une nouvelle génération, ils promettaient, contrairement aux plus anciens qui majorent le risque d'ulcères, d'être totalement dénués de toxicité sur l'estomac; un avantage certain pour tous les arthrosiques contraints d'avaler chaque jour leur dose d'anti-inflammatoires. À ce titre donc, pour cette meilleure tolérance, les autorités administratives acceptèrent un prix de vente... quatre fois plus élevé que celui des anti-inflammatoires classiques. Et les petits nouveaux firent éclater les profits.

Sauf que... une étude montre aujourd'hui que Vioxx présente une toxicité cardiaque et augmente le risque d'infarctus du myocarde, et Merck annonce donc "le retrait volontaire du Vioxx dans le monde". Pour l'instant Celebrex n'est pas dans le collimateur et Pfizer, le laboratoire qui le commercialise, fait le mort.

Mais, du coup, des études, certes publiées mais connues des seuls professionnels, parviennent aux oreilles du public. On apprend que ces médicaments ne remplissent pas leurs promesses en termes de tolérance gastrique. On découvre que la toxicité cardiaque de ces produits avait déjà été évoquée en 2001. Mais alors, les laboratoires s'étaient bien gardés de mettre les mêmes moyens de communication et de publicité pour l'information des médecins et du public. Pour un laboratoire de l'industrie pharmaceutique, un médicament, c'est d'abord fait pour rapporter de l'argent.

Le Zyrtec, une manne qui risquait de se tarir

Depuis le 17 septembre, ce n'est plus la peine d'aller chercher des comprimés de Zyrtec à la pharmacie. Cet antiallergique a disparu. Pourtant, on ne lui a pas trouvé de nouveaux effets secondaires, ni cardiaques ni autres. Pourtant, il se vendait bien: plus de neuf millions de boîtes délivrées dans les pharmacies françaises en 2003, soit 65 millions d'euros présentés au remboursement par la Sécurité sociale et directement tombés dans les caisses du laboratoire UCB qui le commercialise. Il paraît que c'était le meilleur des antiallergiques de sa classe... sur le plan financier s'entend.

Oui... mais cela risquait de se gâter. En effet le brevet qui protège Zyrtec tombe dans le domaine public dans deux mois. À cette date donc, les "génériqueurs", ces laboratoires qui peuvent fabriquer et commercialiser des copies de médicaments dès lors que ceux-ci ne sont plus protégés, ne vont pas se priver de copier et vendre Zyrtec mais à un prix beaucoup plus bas. Finie la manne Zyrtec.

Mais UCB a tout prévu. En 2003, il a mis sur le marché mieux qu'un cousin, un jumeau du Zyrtec. Un produit quasiment identique mais baptisé Xyzall. Depuis plus d'un an, la presse spécialisée vante les mérites du nouveau-né, les visiteurs médicaux en font de même auprès des médecins qui prennent ainsi des habitudes de prescription. Et, immense avantage, Xyzall, lui, est nouveau et donc protégé par un brevet pour au moins vingt ans. Par ce tour de passe-passe, tel un clone, il prolonge la jeunesse de Zyrtec et surtout sa rentabilité.

Mais qui donc a dit que les médicaments avaient pour principale vertu de soigner?

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