Grande-Bretagne : attaques contre les plus pauvres23/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2486.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : attaques contre les plus pauvres

En Grande-Bretagne, après des mois de polémiques plus ou moins feutrées sur le Brexit (la sortie du pays de l’Union européenne, sur laquelle portera le référendum du 23 juin), c’est le budget 2016 qui a fait exploser au grand jour les divisions au sein du Parti conservateur du Premier ministre David Cameron. À telle enseigne que, à peine une semaine après sa publication, Cameron a dû revenir sur certaines des mesures annoncées pour calmer le jeu.

Tout comme les précédents, ce budget est pourtant marqué par la volonté de satisfaire l’avidité des plus riches et le mépris envers les plus pauvres.

Pour le patronat, il prévoit une nouvelle diminution du taux de l’impôt sur les bénéfices. Après avoir été réduit de 28 à 20 % depuis 2010, il tombera à 17 % en 2020, ce qui équivaudra alors à un nouveau cadeau de 8,5 milliards d’euros par an, dont l’essentiel ira aux plus grosses entreprises. Les compagnies pétrolières opérant en mer du Nord, qui avaient déjà bénéficié d’une subvention de 1,7 milliard l’an dernier, reçoivent une rallonge équivalente en réduction d’impôts. Les PME bénéficient d’une réduction annuelle de 2,2 milliards d’euros sur leurs impôts locaux. Quant aux spéculateurs, ils ne sont pas oubliés puisque l’impôt sur les plus-values financières et immobilières est réduit de 28 à 20 %.

En revanche, pour les millions de travailleurs et de retraités pauvres, c’est le coup de massue. S’ils ne bénéficient pas des réductions d’impôts sur le revenu prévues par le budget, puisqu’ils ne paient pas d’impôt direct, nombre d’entre eux seront affectés par d’autres mesures. C’est le cas de la baisse du plafond du total des allocations sociales que peut percevoir un foyer, ce qui touche en particulier les familles nombreuses et celles soumises aux loyers exorbitants des grandes villes. Vient ensuite la transformation des diverses allocations sociales actuelles en une seule, dite universelle, dont on estime qu’elle se traduira pour deux millions de foyers par une baisse de revenu de 180 à 330 euros par mois. Enfin, 600 000 handicapés voient baisser de 220 euros par mois leur allocation de mobilité, qui sert à financer des aides à l’achat de mobiliers et véhicules médicaux, par exemple.

C’est cette dernière mesure dont s’est emparé Ian Duncan-Smith, le ministre chargé des affaires sociales, pour déclencher son offensive contre Cameron en démissionnant avec fracas. Antieuropéen depuis toujours et ancien leader du Parti conservateur de 2001 à 2003, Duncan-Smith s’est porté à la tête de la rébellion contre l’appel de Cameron à voter pour le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, mais en lui fournissant une justification plus compréhensible pour l’électorat.

Car, évidemment, cette attaque brutale contre les handicapés choque, y compris dans l’électorat aisé, mais bien-pensant, des conservateurs. Pourtant le fait que cette offensive, prétendument destinée à défendre les intérêts des plus vulnérables, vienne de Duncan-Smith ne manque pas d’ironie. Car c’est bien lui qui, depuis 2010, a été l’artisan de toutes les attaques visant les catégories les plus pauvres de la population – y compris d’une campagne médiatique contre la « fraude au handicap », selon les termes officiels. C’est aussi lui qui, il n’y a pas si longtemps, se vantait d’avoir à lui seul économisé 40 milliards d’euros sur le budget annuel grâce à ses attaques contre la protection sociale. Mais qu’importe le passé, la course à la succession de Cameron est ouverte et Duncan-Smith a posé publiquement sa candidature.

Face à cette offensive politicienne, le problème de Cameron est d’éviter tout ce qui pourrait faire basculer le vote du 23 juin en faveur du Brexit. D’où son recul aussi soudain qu’inattendu et l’annonce de l’annulation des mesures prévues contre les handicapés et d’une révision du plafond des allocations sociales. Mais bien sûr il faudra trouver des « économies » ailleurs pour financer les cadeaux à la bourgeoisie. Et comme aucun des protagonistes dans cette foire d’empoigne politicienne ne remet ces cadeaux en question, la classe ouvrière devra s’attendre à faire face à de nouvelles attaques.

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