Migrants : les accords de la honte23/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2486.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Migrants : les accords de la honte

Depuis le dimanche 20 mars, tous les migrants qui arrivent sur les îles grecques, au péril de leur vie, fuyant la guerre, les violences ou la misère, du Moyen-Orient ou de plus loin encore, sont susceptibles d’être renvoyés vers la Turquie d’où ils viennent après avoir payé des sommes exorbitantes à des passeurs. C’est la mise en œuvre de l’accord négocié entre Merkel et Erdogan, puis validé le 18 mars par tous les chefs d’État de l’Union européenne.

Cet accord de la honte est destiné à enrayer l’afflux des migrants vers l’Europe en leur signifiant brutalement qu’ils ne sont pas les bienvenus. De leur côté, les dirigeants turcs acceptent de multiplier les camps de rétention sur leur territoire en échange d’une aide financière, d’une plus grande liberté de circulation pour leurs propres ressortissants et du silence complice des chefs européens sur la répression de plus en plus violente contre les opposants au gouvernement Erdogan.

Jamais à court de cynisme, les dirigeants de l’UE ont promis d’accueillir légalement un réfugié syrien venant de Turquie pour chaque Syrien illégal expulsé de Grèce. Mais ils se sont bien gardés de préciser les modalités de ces échanges ni celles des expulsions, ni même celles de ce tri révoltant entre ceux qui fuient les bombes et ceux qui fuient la faim. Depuis le 1er janvier, 150 000 réfugiés ont débarqué en Grèce, dont la moitié de Syriens. Autant dire que l’immense majorité de ces hommes et de ces femmes sont des expulsés en puissance.

Dans la pratique, la mise en œuvre de cet accord retombe sur la Grèce, transformée en immense « Calais de l’Europe », et sur la Turquie, qui devient responsable de sa police aux frontières. Sommées de ne plus délivrer de laissez-passer aux réfugiés comme elles le faisaient jusqu’alors et contraintes d’examiner elles-mêmes les demandes d’asile, les autorités grecques ont transformé les « hot spots », ces camps de triage prévus pour accueillir et enregistrer au maximum 6 000 réfugiés, en camps de rétention fermés. Même le très officiel Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) dénonce cette détention obligatoire dans des conditions « inadaptées pour un accueil décent » et a suspendu certaines de ses activités dans ces hot spots.

Ni cet accord sordide avec ses conséquences dramatiques quasiment inéluctables, ni l’ajout de barbelés toujours plus hauts aux diverses frontières de l’Europe n’arrêteront des femmes et des hommes acculés. Cela ne fera qu’aggraver leur calvaire, l’emprise des passeurs et les poussera vers de nouvelles routes, plus dangereuses encore.

Cette politique est dans la droite ligne de toutes celles menées jusqu’à présent par les dirigeants politiques européens. Au sang des victimes de leurs interventions militaires et de leurs bombes, ils s’apprêtent à ajouter celui des dizaines de milliers de réfugiés qu’ils vont refouler vers une barbarie dont ils sont en grande partie responsables.

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