Chine : du « miracle » économique à la crise23/03/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/03/2486.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chine : du « miracle » économique à la crise

1,8 million de licenciements à venir dans le charbon et l’acier. C’est ce qu’a annoncé le gouvernement chinois, lundi 29 février. Depuis plusieurs mois, la Chine est traversée par une crise économique qui s’aggrave chaque jour. Officiellement, l’économie chinoise est toujours en pleine expansion. Sa croissance a atteint 6,9 % au troisième trimestre 2015, mais ce chiffre, en apparence flatteur, est en réalité le plus bas depuis 2009. Et encore ce taux est-il arrangé pour coller aux objectifs fixés par le pouvoir (7 %). En se basant sur la consommation d’électricité, le transport de marchandises, les constructions ou le commerce international, différents organismes estiment que la croissance chinoise réelle est plus proche de 4,5 %, voire de 2 % ou 3 %.

Le ralentissement de la croissance, dans un pays longtemps présenté comme la locomotive de l’économie mondiale, tient à plusieurs facteurs. D’abord à la crise mondiale elle-même, qui a réduit le marché pour les biens manufacturés chinois. Par ailleurs, depuis 2008, la Chine a mis en place une série de plans de sauvetage qui atteignent aujourd’hui leurs limites. La bulle immobilière est colossale ; l’industrie est en surcapacité ; les réserves de change diminuent, alors que plusieurs secteurs sont très endettés (industrie, collectivités locales, immobilier). La dette totale, publique et privée, atteint maintenant 260 % du PIB.

Certes, une particularité de la Chine, en comparaison avec les économies des grandes puissances impérialistes, est la place occupée par le secteur public : l’État a financé la croissance des quarante dernières années, et la part de l’État central ou des collectivités locales reste essentielle dans de nombreuses entreprises. Mais en redonnant au capital privé un rôle accru, la Chine post-maoïste a aussi réintroduit les contradictions classiques de l’économie de marché. Pendant des années, les commentateurs se sont extasiés devant le « miracle chinois » qui leur semblait valider les vertus du capitalisme. Aujourd’hui, malgré ses spécificités, la Chine traverse une crise capitaliste.

Une crise financière et monétaire

Depuis un an, la Bourse chinoise est ainsi marquée par une grande volatilité. Après avoir beaucoup baissé au cours de l’été 2015, elle a de nouveau perdu 20 % depuis décembre. Et rien ne permet d’exclure un krach généralisé dans les mois à venir. La raison fondamentale en est simple : après des années de spéculation frénétique, une bulle s’est formée. Des dizaines de millions de petits et grands bourgeois ont spéculé, en comptant sur la croissance ; cette bulle éclate aujourd’hui.

La menace de krach généralisé et la perspective de profits en berne amènent entreprises chinoises et étrangères et privilégiés chinois à faire sortir des centaines de milliers de dollars du pays. Quelque 1 000 milliards en seraient partis en un an et demi. Pour sortir pareilles sommes malgré la limite légale de 50 000 dollars par individu, les riches chinois doivent recourir à diverses astuces, comme celle qui consiste à demander à des connaissances de transporter chacune 50 000 dollars en liquide. Il s’agit de mettre ainsi à l’abri les profits réalisés pendant les années prospères.

Sous la pression de cette fuite massive de capitaux, le yuan, la monnaie chinoise, a perdu 6 % par rapport au dollar depuis janvier 2015. Et si ce n’est pas plus, c’est parce que la Banque centrale chinoise débourse chaque mois environ 100 milliards de dollars pour racheter des yuans, des milliards qu’elle a puisés dans ses réserves de change. Celles-ci, qui sont montées jusqu’à 4 000 milliards en 2014, fondent maintenant et seraient passées à 3 300 milliards.

Une crise industrielle dont le prolétariat paye le prix fort

Des secteurs entiers du pays sont touchés par la crise : acier, charbon, textile, électronique…. Le prolétariat chinois en paye le prix fort. En septembre, la plus grande firme de charbon dans le nord-est du pays (le Heilongjiang, ex-Manchdourie) a ainsi annoncé qu’elle envisageait de licencier 100 000 de ses 240 000 salariés. Le gouvernement vient donc d’annoncer qu’environ 1,8 million de travailleurs du charbon et de l’acier allaient être licenciés. En tout, 5 à 6 millions de licenciements seraient programmés dans ces grandes entreprises d’État.

50 % des capacités de production industrielle chinoises seraient aujourd’hui inutilisées. Dans certaines régions, le chômage explose. De nombreuses grèves et manifestations se produisent contre des licenciements, ou pour le versement de salaires impayés. « Avant je pouvais gagner plus de 6 000 yuans [830 euros] avec les primes », explique un ouvrier qualifié de Datong, la « capitale du charbon », où les salaires ouvriers ont reculé de 20 à 30 % en un an. « Mais, en 2015, ma paye a baissé deux fois : je gagne à peine 5 000 yuans aujourd’hui », dit-il.

Il y aurait eu en 2015 quelque 2 700 grèves, deux fois plus que l’année précédente, même s’il est difficile de savoir ce que valent ces statistiques et ce qu’elles recouvrent comme réalité sociale.Des luttes touchent également le sud du pays et les régions côtières, tournées vers le commerce international. Dans le Guangdong, dont la capitale est Canton, les usines textiles ont réduit leur main-d’œuvre d’environ 10 % en deux ans. Là aussi, les travailleurs doivent souvent faire grève pour être seulement payés. Les meneurs sont en général arrêtés, et le seul syndicat légal reste celui du régime. Tout « communiste » qu’il se prétend encore, le gouvernement chinois sert impitoyablement les capitalistes, eux-mêmes souvent des dignitaires du régime ou leurs rejetons.

Des conséquences sur l’économie mondiale

Résultant en partie de la crise mondiale, la crise chinoise l’alimente à son tour. Avec 2 000 milliards de dollars, le pays est le second importateur mondial après les États-Unis ; cette demande stagne aujourd’hui. La Chine assure la moitié de la demande mondiale des métaux, le tiers du coton et du riz, le sixième du blé, etc. La stagnation de la demande chinoise se traduit par une chute en partie spéculative des cours mondiaux : depuis 2011, les matières premières industrielles et agricoles ont perdu 40 %, le charbon 60 % et le pétrole 65 %.

Certains pays sont très tributaires des marchés chinois, qui représentent par exemple 36 % des exportations de l’Australie, 32 % pour l’Afrique du Sud, 27 % pour l’Iran, 25 % pour le Chili, 19 % pour le Brésil. La crise chinoise contribue également à leur récession.

Le « miracle » de l’économie chinoise, tant vanté par les dirigeants occidentaux et vers lequel les capitalistes des pays riches se sont rués en espérant toucher leur part du gâteau, pourrait se transformer en cauchemar. Après s’être enrichie sur le dos du prolétariat chinois pendant les décennies de vaches grasses, la bourgeoisie lui fait durement payer la crise. Jusqu’à ce qu’il se défende collectivement et utilise ses immenses possibilités pour rendre les coups.

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