Dialogue social : un projet de loi conforme aux souhaits patronaux08/04/20152015Journal/medias/journalarticle/images/2015/04/p3003.jpg.420x236_q85_box-0%2C331%2C2957%2C1995_crop_detail.jpg

Leur société

Dialogue social : un projet de loi conforme aux souhaits patronaux

Vu les propos de Valls au moment de l’échec de la négociation entre patronat et syndicats sur la prétendue modernisation du dialogue social, plus simplement la présence des syndicats au sein des entreprises, on pouvait certes craindre le pire. Mais finalement le projet envoyé aux confédérations syndicales à la veille du week-end de Pâques, s’il reprend une partie des attentes du patronat, va se focaliser sur les entreprises de moins de 300 salariés.

Illustration - un projet de loi conforme aux souhaits patronaux

Jusqu’ici, dans les entreprises de moins de 200 personnes et de plus de 50, les patrons pouvaient mettre en place des délégations uniques du personnel, les DUP, en fusionnant délégués du personnel et délégués du Comité d’entreprise. Cela a abouti de fait à supprimer dans ces entreprises les délégués du personnel, et donc la majorité des délégués existant jusque-là. Il restait le CHSCT (le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail), avec les délégués et les pouvoirs correspondants. Le projet de loi généralise le système des DUP en y intégrant les CHSCT, et en l’étendant aux entreprises de moins de 300 salariés, soit une bonne part des sites industriels, du bâtiment, des services ou commerciaux du pays. Pour les plus grandes usines ou bureaux, cela devra passer par un accord majoritaire avec les syndicats.

Pour faire passer la mesure auprès des syndicats, le ministre du Travail, Rebsamen, a annoncé que globalement le nombre d’heures de délégation ne serait pas touché. En revanche, le nombre de délégués devrait dégringoler pour les entreprises de moins de 200 salariés, et encore plus pour celles entre 200 et 299. C’est autrement plus important pour les travailleurs soumis aux pressions patronales. Ce « détail » sera décidé ultérieurement par décret par le gouvernement.

Il s’agit incontestablement d’un recul dans la représentation des travailleurs. Il est imposé par le gouvernement dans le but de « libérer » les patrons des fonctions syndicales les plus revendicatives, en ne gardant que le ronron où l’on fait semblant de parler de la bonne marche des entreprises, liée, comme aiment le dire et répéter les patrons, à « un sort commun ».

Berger, le secrétaire de la CFDT, monsieur toujours-oui aux propositions du gouvernement ou du patronat, a jugé le projet intéressant. Et comment pourrait-il se plaindre, lui qui était prêt à signer encore bien pire, en déplorant de n’avoir pu signer le protocole ravageur sur les droits syndicaux que le patronat lui avait présenté ?

Aujourd’hui, une partie du patronat considère que les syndicats sont un fardeau dont il n’a aucune raison de s’embarrasser. Le chômage de masse entretient un sentiment de crainte parmi les travailleurs, et l’absence de grande contestation ouvrière fait rêver au patronat qu’il en sera toujours ainsi. Alors pourquoi se compliquer la vie, faire semblant de discuter et de recueillir des avis parmi les militants syndicaux ?

Le patronat a la mémoire courte. Si les droits syndicaux ont été tellement développés après 1968, ou encore après 1981, le but du pouvoir et du patronat d’alors était très intéressé. Il s’agissait d’encadrer au plus près une classe ouvrière qui avait montré sa combativité. Et la série infinie de parlottes organisées entreprise par entreprise visait à morceler et diviser au maximum les travailleurs et à les lier à « leur entreprise », c’est-à-dire à leur patron, pour leur faire perdre de vue leurs intérêts communs de classe face à la classe capitaliste.

Avec ce projet, les militants combatifs, qui veulent entraîner leurs camarades de travail à résister à la morgue patronale, auraient des moyens réduits par rapport à ce qui existe aujourd’hui. Mais, sur cette voie, le patronat se prépare à des retours de bâton sévères.

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