Lycée Victor-Hugo Poitiers : le recteur règle ses comptes08/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2436.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans l'enseignement

Lycée Victor-Hugo Poitiers : le recteur règle ses comptes

Jeudi 2 avril, 150 personnes se sont rassemblées devant la mairie de Poitiers à l’appel de l’intersyndicale Snes-FSU et Sud-éducation du lycée Victor-Hugo. Elles exigeaient la réintégration d’un de leurs collègues dans son établissement d’origine.

En effet cet enseignant de philosophie du lycée Victor-Hugo, au centre-ville de Poitiers, s’est vu notifier vendredi 27 mars une sanction de la part du rectorat, sous la forme d’une mutation d’office dans le nord des Deux-Sèvres, à 70 km de là. Rattaché à un établissement de Thouars, il effectuerait des remplacements sur le département et ses environs.

Cet enseignant avait été suspendu administrativement pour quatre mois par le recteur, début janvier, suite à des propos rapportés par un parent d’élève dans un courrier au rectorat et prétendument tenus en classe au lendemain de l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo.

Le seul propos que l’intéressé reconnaît est d’avoir qualifié ces journalistes de crapules et d’avoir fait le lien entre l’attentat parisien et la politique impérialiste des pays occidentaux. Si crapules est un terme déplacé pour ces hommes qui ont payé de leur vie leur liberté d’expression, le terrorisme des États impérialistes en Afrique et au Moyen-Orient est bien en grande partie responsable du développement des groupes djihadistes ou autres. Rien dans les paroles de l’enseignant ne valorisait, pourtant, les assassinats et ne justifiait l’acharnement administratif contre lui.

Accusé dans un premier temps d’avoir eu une attitude déplacée lors de la minute de silence, à laquelle il n’assistait pas, puis d’avoir fait l’apologie d’actes de terrorisme devant ses élèves, il a ensuite fait l’objet d’une poursuite judiciaire engagée par le recteur. Celui-ci appliquait ainsi les directives de fermeté du gouvernement, qui cherchait à exploiter l’émotion suscitée par les attentats pour créer un climat d’unité nationale, quitte à étouffer toute voix discordante.

Convoqué au commissariat fin février, l’enseignant fut placé en garde à vue en cellule et soumis à un interrogatoire durant huit heures. Au final, les poursuites judiciaires engagées par le recteur furent classées sans suite. Mais le 13 mars il passait devant le conseil de discipline du rectorat, durant lequel, au-delà des griefs qui lui valaient cette convocation, sa manière même d’enseigner était remise en cause. Le vide du dossier lui faisait espérer la fin de cette affaire mais, le conseil de discipline n’ayant qu’un avis consultatif, le recteur eut le dernier mot et décida, malgré tout, de le sanctionner. Par la mesure de mutation d’office, le recteur applique la plus forte sanction dont il dispose, expliquant que « les agissements de ce professeur ont porté atteinte, non seulement à l’image de la fonction enseignante, mais à celle du service public de l’Éducation nationale ».

Trop occupé à surveiller les élèves, à sanctionner un enseignant et se moquant éperdument de la pénurie de postes, le recteur s’était abstenu de répondre à un problème de non-remplacement datant de plusieurs mois dans le lycée Jean-Moulin de Thouars. C’est chose faite : le poste vacant ne le sera plus... par la mutation forcée de l’enseignant de Poitiers.

Heureusement, les réactions ne manquent pas face à ce que des enseignants, des lycéens, des militants politiques de gauche et d’extrême gauche, considèrent comme un véritable acharnement vis-à-vis de cet enseignant de philosophie, par ailleurs militant du DAL et proche des milieux anarchistes.

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