Turquie : plus de 300 morts à la mine de Soma : ce n'est pas un accident, c'est un crime22/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2390.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : plus de 300 morts à la mine de Soma : ce n'est pas un accident, c'est un crime

Selon les chiffres officiels, 301 travailleurs ont perdu la vie dans l'accident survenu le 14 mai dans la mine de lignite de Soma, en Turquie. Quatre jours après l'incendie qui a été au départ de l'accident, son patron Alp Gürkan est sorti de son silence. Dirigeant de la société qui loue la mine à l'État et l'exploite en échange d'une redevance, il a tenu une conférence de presse aux côtés de trois autres responsables.

« Nous ne connaissons pas les raisons de l'incendie mais en tout cas nous n'avons commis aucune faute » : telle est en substance leur conclusion. Voilà ce que des patrons, pour qui les ouvriers ne sont que des outils de production, ont l'audace de dire : ils ne savent rien, sauf qu'ils ne sont pas responsables.

Ces travailleurs sont morts des conditions dans lesquelles ils produisaient pour le profit des patrons. Les mineurs ont multiplié les avertissements pendant des jours. Tout montrait qu'en matière d'insécurité les bornes étaient dépassées. Mais, au lieu de faire le nécessaire, ces patrons ont contraint les travailleurs à continuer de produire. Des changements ont même été introduits, sous prétexte que la production n'allait pas. La quantité de poussière de lignite augmentant à l'intérieur de la mine, la quantité d'oxygène injectée a été augmentée. Il ne manquait plus que l'étincelle et celle-ci n'a pas tardé à surgir, provoquant la catastrophe.

Dès les premiers jours, des dirigeants politiques aux prétendus spécialistes, tous ont déclaré que la mine était parmi les meilleures, les plus modernes, les plus contrôlées. Ils précisent maintenant qu'il en allait autrement pour les autres sociétés sous-traitantes. Mais ces mêmes patrons sans vergogne continuent de montrer tranquillement à la presse les vestiaires lamentables réservés aux ouvriers, en osant déclarer qu'ils ressemblent « à des hôtels de luxe ».

Les proches des mineurs ont attendu pendant des jours, aux entrées de la mine ou aux portes des hôpitaux, les mineurs rescapés ont crié, protesté, manifesté. Ils n'ont eu en réponse que des coups, les canons à eau de la police et certains ont été arrêtés. Mais Alp Gürkan continue de se promener au-dehors, bien propre sur lui !

D'où lui vient cette tranquillité, sinon du seul fait d'être patron ? Un patron qui, aux heures mêmes ou les travailleurs perdaient la vie, se réunissait avec des ministres qui ne trouvaient aucun problème à dégager sa responsabilité. Il est de ceux qui savent que les politiciens, les lois, l'État avec sa police et tous leurs hommes travaillent pour eux. Avec les hauts dirigeants de l'État, avec les dirigeants politiques, ceux-ci ont des milliers de liens. Il est de ceux qui peuvent les siffler et dire « c'est à moi » quand il s'agit de la vie des ouvriers et des biens accumulés au prix de leur sueur.

Même pour un travail aussi dur et dangereux que celui de mineur, ces patrons méprisent la vie humaine, les seules mesures qu'ils appliquent sont celles visant à augmenter la production. Les mêmes patrons deux ans auparavant, en modifiant la loi dite de « santé et sécurité des travailleurs » sous le nom de « santé et sécurité au travail », ont obtenu du gouvernement une loi correspondant à leurs désirs. Le gouvernement s'est alors vanté d'avoir su travailler avec les représentants patronaux. Il a dit vrai.

La richesse produite par 5 000 mineurs, dans des conditions très dures et dangereuses, peut aboutir dans les mains d'un seul homme et il peut l'utiliser selon ses souhaits : voilà la logique de ce système. Si les travailleurs avaient donné leur avis, cet argent aurait dû bien sûr servir en priorité à leur sécurité et à protéger leur santé. Au lieu de cela, ce patron l'a utilisé pour édifier un gratte-ciel à Maslak, un quartier de luxe d'Istanbul, un gratte-ciel d'un tel luxe que l'argent utilisé pour un seul de ses étages aurait pu sauver la vie de tous les mineurs. Cette société lui en donne le droit. Voilà pourquoi ce qui s'est produit le 14 mai dans la mine de Soma n'est pas un accident, c'est un crime.

Correspondance Sinif Mücadelesi (Turquie - UCI)

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