Évadés fiscaux : Ne pas les brusquer22/05/20142014Journal/medias/journalnumero/images/2014/05/une2390.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Évadés fiscaux : Ne pas les brusquer

Le ministre des Finances Michel Sapin s'est félicité que les mesures prises en faveur du rapatriement en France des capitaux placés à l'étranger pour échapper au fisc marchent « du feu de Dieu ». Bercy tablait sur 800 millions d'euros de rentrées fiscales supplémentaires pour toute l'année 2014, et cette somme est déjà atteinte en quatre mois.

Le gouvernement présente les presque deux milliards attendus comme le résultat de sa lutte contre les riches fraudeurs, comme une forme de redistribution égalitaire permettant de faire baisser les impôts des plus pauvres. Mais c'est un écran de fumée pour masquer un somptueux cadeau aux plus fortunés.

Malgré leurs immenses fortunes, malgré les aides permanentes de l'État et les dégrèvements d'impôts en série dont ils bénéficient, les riches ne veulent rien payer, plaçant leur argent aux quatre coins du monde, ayant y compris recours à des pratiques frauduleuses, souvent mises au point par les grandes banques elles-mêmes.

Après l'affaire Cahuzac, le ministre socialiste qui se présentait comme le héros de la lutte contre l'évasion fiscale alors qu'il avait un compte en Suisse, le gouvernement Ayrault avait dû mettre en sommeil la cellule de régularisation du ministère des Finances. Régulièrement réactivée sous tous les gouvernements de droite comme de gauche, elle permet aux riches fraudeurs de négocier en toute discrétion le rapatriement de leurs capitaux à moindre frais. Mais les conditions offertes actuellement semblent dépasser toutes leurs espérances. D'après un spécialiste d'un cabinet d'optimisation fiscale, les procédures en cours permettent à un exilé fiscal de rapatrier ses capitaux en ne payant que l'impôt sur la fortune (ISF) rectifié, soit seulement le tiers des sommes dues à l'administration fiscale, assorties éventuellement ensuite de pénalités de retard à négocier.

Les sommes que l'État va récupérer ne sont peut-être pas négligeables, mais elles illustrent surtout l'importance des capitaux « évadés » par la bourgeoisie. Les rentrées dans les caisses de l'État ne seront qu'une part dérisoire des 30 à 60 milliards de fraude fiscale annuelle estimée, et une goutte d'eau dans les 600 milliards de fraude cumulée mis à l'abri dans les paradis fiscaux.

Partager