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Elections européennes
Tsipras : Langage radical et sourires aux grands de ce monde
Lors du débat télévisé entre les cinq candidats à la présidence de la Commission européenne, jeudi 15 mai, le leader grec Alexis Tsipras a parlé d'un ton ferme pour dénoncer les dirigeants européens qui ont choisi la Grèce « comme cobaye de l'austérité la plus dure. »
Président de la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA), député européen, Tsipras est aussi le vice-président de la Gauche européenne (GUE). Son parti est un regroupement d'organisations issues de différents courants communistes : son noyau originel est né d'une scission du Parti communiste grec (KKE) autour de laquelle se sont rassemblés différents groupes, dont certains d'extrême gauche. Depuis les élections de 2012, il a 71 députés sur les 300 du Parlement grec.
Tsipras n'a pas ménagé ses efforts pour rencontrer les différents partis européens à la gauche de la gauche, en Italie, en Allemagne (Die Linke) ou en France avec le Front de gauche. Le 12 avril, il a participé à la manifestation aux côtés de Pierre Laurent (PCF) et de Jean-Luc Mélenchon (PG), qui parle de lui comme de « l'autre visage de l'Europe », loin des « conservateurs et des sociaux-démocrates », « l'alternative incarnée », bref, un chef de parti de gauche comme eux, mais capable, lui, d'arriver au pouvoir dans un avenir proche. Les premiers résultats des élections municipales ou régionales en Grèce, qui ont vu Syriza au coude à coude, et parfois devant le parti de la droite au pouvoir, les conforteront sans doute dans ce pronostic.
Tsipras, qui ambitionne de devenir Premier ministre, critique vigoureusement « l'élite économique corrompue qui gouverne la Grèce ». Le programme de Syriza veut « l'émergence d'un gouvernement d'une gauche s'appuyant sur une large alliance des forces sociales » qui aurait pour but « d'arrêter le déclin social et économique imposé à la Grèce par les forces du néolibéralisme et des mémorandums ». Tsipras ne prône pas la sortie de l'Union européenne, ce qui lui vaut une certaine contestation de la part de la tendance « de gauche » à l'intérieur de Syriza. Il dénonce cependant avec force les plans d'austérité de la « soi-disant Banque centrale européenne, qui est seulement la réplique parfaite de la Bundesbank » ; il réclame une réduction de la dette et un moratoire, pour que le remboursement de cette dette « ne tue pas dans l'oeuf le redressement économique ». Mais derrière le langage radical, avec juste ce qu'il faut de nationalisme pour flatter certains électeurs, les propositions le sont beaucoup moins.
Cela se confirme dans les relations que Tsipras cultive avec les personnages du monde de la politique et de l'économie, les patrons grecs et étrangers. Il ne fait pas seulement le tour des partis de gauche européens, mais rencontre le ministre des Finances allemand, participe à des conférences avec des économistes en vue et tout acquis au système. Ainsi, début 2013, il s'est appliqué à convaincre les économistes libéraux de la Brookings Institution à Washington qu'ils n'avaient rien à craindre de Syriza : de son point de vue, un pays devait avoir une continuité dans sa politique étrangère et la Grèce, dans un monde méditerranéen déstabilisé, voulait promouvoir la stabilité et la coopération, « en tant que pays dans l'Union européenne et dans l'OTAN ».
Tsipras manie donc un double langage, celui du chef de file « radical » pour les campagnes électorales et celui du futur chef de gouvernement qu'il voudrait être, prêt à servir l'économie, c'est-à-dire les patrons grecs. Tsipras est radicalement... réformiste et social-démocrate.