La spéculation sur la dette : Les travailleurs appelés à payer24/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2260.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La spéculation sur la dette : Les travailleurs appelés à payer

La crise de la dette souveraine -- c'est-à-dire la spéculation sur la dette des États -- est en train de s'étendre à la plupart des pays de la zone euro. Après la Grèce, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, et dernièrement l'Italie, c'est au tour de la France d'être sur la sellette. Le « spread » -- autrement dit l'écart de rendement entre les obligations allemandes et françaises qui est, pour les marchés financiers, le baromètre de la spéculation -- a commencé à croître rapidement, ce qui veut dire qu'il y a de plus en plus de détenteurs d'obligations françaises qui les revendent alors qu'il y a de moins en moins d'acheteurs.

Le 18 novembre, le fameux spread atteignait 2 %, ce qui, selon la presse, est son niveau record depuis la création de l'euro. Le spread diminua ensuite légèrement : le 22 novembre, le taux des obligations sur dix ans s'est établi à 3,55 % pour la France et à 1,95 % en Allemagne, soit un spread de 1,6 %. Il faut savoir qu'une hausse de taux de 1 % entraîne pour le budget un surcoût de 3 milliards d'euros.

Le 21 novembre, l'agence de notation Moody's a adressé au gouvernement français un nouvel avertissement. Cette hausse du coût de sa dette d'une part, la révision en baisse des perspectives de croissance économique d'autre part, rendant « plus difficiles à atteindre les objectifs de réduction des déficits », pourraient, selon l'agence, avoir des « conséquences négatives » sur la note de la dette du pays, autrement dit, lui faire perdre le fameux triple A.

François Baroin, ministre de l'Économie, s'est voulu rassurant, affirmant que « le niveau actuel des taux correspond à des conditions de financement qui sont très favorables » et que « tout est mis en oeuvre pour répondre aux objectifs que nous avons fixés ». De son côté, Valérie Pécresse, ministre du Budget, a assuré qu'il n'y aurait pas de troisième plan d'économies budgétaires, car il « faut surtout ne pas prendre des mesures qui plongeraient le pays dans la récession ». C'est pourtant ce que le gouvernement a fait, et continue à faire.

Pour « rassurer les marchés » -- les riches investisseurs, les spéculateurs, etc. -- un premier plan de 12 milliards d'euros « d'économies » étalées sur deux ans (2011 et 2012) avait été décidé en août. À l'époque François Baroin et Valérie Pécresse étaient, comme aujourd'hui, montés au créneau pour affirmer, pratiquement avec les mêmes mots, que tous les engagements du gouvernement seraient tenus et que les objectifs de baisse du déficit seraient, grâce au nouveau plan, atteints dans les délais prévus.

Pourtant, un deuxième plan était annoncé, le 7 novembre dernier, donc moins de trois mois après le premier, sous prétexte de tenir compte de la baisse des prévisions de croissance pour 2012. Les économies à réaliser se montaient, cette fois, à 65 milliards d'ici 2016. Dans les jours qui ont suivi, le commissaire européen aux affaires économiques invitait la France à prendre « des mesures supplémentaires pour corriger son déficit excessif ».

C'est donc encore pour « rassurer les marchés » que Fillon a annoncé alors l'instauration d'un quatrième jour de carence d'indemnités maladie dans le privé, et d'un jour chez les fonctionnaires. Et ce n'est certainement qu'un début.

Tout porte à croire que l'intensification de la pression des marchés financiers, des spéculateurs, sur la dette de l'État français, va se traduire comme à chaque épisode par un nouveau train de mesures d'austérité. La seule incertitude porte sur leur forme : s'agira-t-il d'un nouveau plan -- ce serait le troisième -- ou d'une succession de mesures échelonnées dans le temps pour mieux faire passer la pilule ? Jusqu'à maintenant, la proximité des élections présidentielles a sans doute retenu Sarkozy d'imposer en France des mesures d'austérité aussi violentes que celles qu'il a contribué à imposer à la Grèce. Il s'en est assez vanté. Mais ce n'était que partie remise. Face aux « marchés » -- c'est-à-dire face à ses propres amis -- Sarkozy n'est pas maître du calendrier.

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