États-Unis, les contrats dans l'automobile : Mensonges, intimidation et coercition24/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2260.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis, les contrats dans l'automobile : Mensonges, intimidation et coercition

Cet article est traduit du bimensuel américain The Spark, publié par l'organisation trotskiste américaine du même nom, dans son numéro du 31 octobre 2011.

De nouveaux contrats viennent d'être signés à General Motors, Ford et Chrysler. Les patrons s'extasient : « C'est le contrat le moins coûteux depuis des décennies ». Les agences de notation ont immédiatement remonté la note de Ford et de GM qui ont annoncé leur intention de recommencer à verser des dividendes en 2012.

Pour la première fois depuis 1953, General Motors a gelé les pensions des retraités. Et à peine l'accord conclu, Chrysler a annoncé un profit trimestriel de 212 millions de dollars qui s'ajoutent au magot de 27 milliards de dollars qu'il détient avec Fiat.

Les travailleurs à Ford, GM et Chrysler ont accepté des sacrifices très importants en 2009, sacrifices qui devaient être provisoires, pour aider des entreprises « au bord de la faillite ». Mais les contrats de 2011 entérinent ces sacrifices comme des sacrifices permanents.

Une campagne d'intimidation

Pour obliger les travailleurs à accepter de tels reculs, les responsables de l'UAW, le syndicat des travailleurs de l'automobile, ont lancé une campagne destinée à effrayer les travailleurs en recourant aux mensonges, semant le trouble, se livrant à l'intimidation et à la fraude. Les patrons n'avaient qu'à laisser leur « partenaire » syndical peser sur le vote.

Les hauts bureaucrates racontèrent les pires horreurs sur les conséquences qu'aurait un vote négatif. À GM et Chrysler ils racontèrent que si on recourait à un arbitrage, le médiateur supprimerait la prime de signature, ce que les journalistes s'empressèrent de répéter. À Ford, ils menacèrent de mettre immédiatement les travailleurs en grève avec le risque qu'ils obtiennent au bout du compte un contrat encore plus mauvais.

Les responsables syndicaux locaux ont repris à leur compte ces histoires et ont rajouté des mensonges aux mensonges. Ils prétendirent que le médiateur chez Chrysler diminuerait les salaires horaires de quatre dollars. Dans les usines Ford, ils racontèrent que les ouvriers passeraient Noël au piquet de grève autour des braseros, en regardant passer les briseurs de grève embauchés par Ford, et qu'ils ne pourraient pas payer les traites de leur maison ni de leur voiture.

Les bureaucrates s'assurent du vote

Les responsables syndicaux ont adapté les règles électorales et les procédures du vote à la situation. Dans les usines Rouge de Ford, le vote a été étalé sur neuf jours, les responsables remontant les chaînes, faisant pression sur chaque ouvrier, procédant au vote avec des récipients non scellés en guise d'urnes, rendant impossible de contrôler le scrutin. Dans d'autres usines, le vote a été organisé un dimanche, limitant ainsi le nombre de votants.

Dans un dernier coup de force impudent, le président de l'UAW, King, a décidé que le vote NON des ouvriers professionnels de Chrysler n'avait pas lieu d'être. En effet, King a déclaré que la raison pour laquelle ils avaient refusé le contrat n'était pas liée aux gros reculs qui étaient imposés aux ouvriers professionnels ! En conséquence, il déclara le contrat adopté en dépit du vote des professionnels et des règles du syndicat en la matière. (...)

Les travailleurs ne sont pas dupes

Tout a été fait pour persuader les travailleurs qu'ils n'avaient pas le choix. Pourtant, avant que la campagne d'intimidation ait eu un impact, les premiers votes chez tous les trois constructeurs montrèrent que la première réaction des travailleurs était de rejeter le contrat. (...)

Après les premiers votes NON, la bureaucratie de l'UAW se mit en branle du haut en bas. Il y eut quelques délégués élus au niveau local qui furent à contre-courant, résistèrent honorablement, dirent la vérité, dénoncèrent les mensonges et encouragèrent les syndiqués à résister aux pressions et à la contrainte. Il y eut des ouvriers du rang qui firent de leur mieux pour relayer les efforts de ces quelques délégués. Le résultat de ces efforts fut que les votes furent serrés, bien plus que ne le sont d'habitude les votes sur les contrats.

C'est important car un refus massif peut avoir un impact à l'avenir. En 2009, les ouvriers de Ford avaient voté contre une nouvelle série de sacrifices que la direction voulait imposer comme GM et Chrysler l'avaient fait. Ce n'est donc pas par hasard que la direction de Ford a offert cette fois aux travailleurs des primes se montant au total à 11 750 dollars, alors que GM ne donnait qu'un peu plus de la moitié de cette somme et Chrysler seulement 1 750 dollars. Le directeur de la fabrication chez Ford, John Fleming, a déclaré ensuite aux journalistes : « Nous avons toujours su qu'il nous faudrait donner un peu plus d'argent à nos ouvriers pour obtenir la ratification ».

Se préparer pour la prochaine attaque

(...) La principale arme utilisée contre les travailleurs a été la peur -- la peur de l'inconnu. Il n'y a pas eu de vraie grève nationale depuis 1976. Les travailleurs n'ont pas l'expérience de la puissance qu'ils représentent quand ils passent à l'action ensemble.

La plupart des travailleurs n'ont pas été dupes de ce contrat. Ils savaient que c'était un accord pourri. Mais ils ont besoin de prendre confiance dans leurs propres forces et dans leur pouvoir de rejeter à la face des bureaucrates les mensonges et les accords pourris.

Seule une forte minorité y était prête cette fois-ci -- mais cela peut faire toute la différence à l'avenir.

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