Égypte : Après la répression violente des manifestations24/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2260.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Après la répression violente des manifestations

Après avoir violemment réprimé les manifestations au Caire, à Alexandrie et dans d'autres villes d'Égypte, au prix de 30 morts et près de 2 000 blessés, les généraux du Conseil suprême, à la tête de l'Égypte depuis le départ de Moubarak en février dernier, tentent à présent de calmer la colère qui s'est exprimée.

Le maréchal Tantaoui a en effet multiplié, le 22 novembre, les annonces censées apaiser les manifestants, et derrière eux, une partie de la population. Ainsi, il a déclaré accepter la démission du gouvernement Charaf, mais a aussi assuré que l'élection législative du 28 novembre se tiendrait comme prévu et qu'une élection présidentielle serait organisée en 2012. Il s'est même dit, au nom des généraux, prêt à « laisser le pouvoir au peuple »... à la condition qu'un référendum le demande.

Il s'agit là de la réponse des généraux à la situation qui s'était développée depuis plusieurs jours, pendant lesquels des milliers de manifestants, nombreux et déterminés, réclamaient aux cris de « Tantaoui, dégage ! » que le Conseil suprême passe la main. Il est vrai que, depuis neuf mois, depuis que Moubarak a été contraint de quitter la place, la population n'a guère vu de changement : le pouvoir est toujours entre les mains de l'armée, c'est-à-dire d'un état-major dont le chef est Tantaoui, l'ancien chef de la garde personnelle et ministre de la Défense de Moubarak. La « transition démocratique » promise en février a consisté en réalité à laisser le pouvoir à l'armée, comme c'était en fait le cas depuis des décennies déjà.

L'armée, en Égypte, est une puissance qui défend ses propres intérêts, investis dans les industries et les services d'État. Mais surtout, dans ce pays, où une grande partie de la population vit dans une misère profonde, où les richesses sont pillées par l'impérialisme mais aussi par une bourgeoisie cupide, l'armée protège les intérêts des grands groupes capitalistes, ceux des « investisseurs » qui souhaiteraient continuer d'empocher sereinement les bénéfices dégagés par le travail de dizaines de millions d'ouvriers et de paysans pauvres. Tous ces profiteurs, pour exercer le pouvoir, ont besoin de la dictature plus ou moins voilée dont l'armée est la colonne vertébrale et qui garantit la stabilité que la bourgeoisie exige.

En février dernier, en lâchant Moubarak sur le conseil de leurs amis impérialistes, les chefs de l'armée ont pu éviter d'apparaître trop compromis avec le régime honni, et ont même réussi à présenter l'armée comme la garante des droits de la population. Mais ce masque s'est progressivement déchiré devant la persistance et l'aggravation des difficultés et même de la misère. Or les injustices criantes, la misère de millions de gens en ville et dans les campagnes, voilà bien le dernier souci de la clique au pouvoir.

Les espoirs de l'après-Moubarak ont été d'autant plus déçus que les agissements de la police, des services secrets et de l'armée sont restés les mêmes. Les arrestations arbitraires, le recours aux tribunaux militaires -- 12 000 procès d'opposants en neuf mois -- la répression des manifestations, rien n'a changé, au contraire, comme en témoignaient des jeunes manifestants de la place Tahrir. Les petites manoeuvres et provocations, destinées à dresser une partie de la population contre une autre, ont perduré elles aussi, comme l'ont montré les incendies d'églises chrétiennes ou la répression des manifestants coptes.

Le mécontentement éclate maintenant, en prenant directement pour cible cette armée qui s'était plus ou moins prétendue garante d'un changement, même s'il est difficile de savoir quelle est l'ampleur et quelles sont les forces réelles de l'opposition qui s'exprime ces jours-ci, dans quelle mesure les masses populaires se reconnaissent dans les manifestants de la place Tahrir. Il s'y rencontre aussi bien des partis intégristes mécontents de certaines déclarations gouvernementales -- comme un certain « document Selmi » qui évoquait l'évolution éventuelle vers un État non confessionnel -- que des jeunes s'affirmant révolutionnaires.

Il est certain que l'état-major est loin d'avoir réussi à asseoir un nouveau pouvoir qui permettrait de faire taire les divers mécontentements. Mais il est également clair que, face à ce pouvoir, l'opposition populaire elle-même n'a pas réussi à se donner des objectifs autres que celui de « Tantaoui dégage » qui semble faire l'unanimité comme a pu le faire précédemment celui de « Moubarak dégage ».

Or face à l'armée au pouvoir, à cet appareil d'État qui cherche à maintenir les prérogatives des classes possédantes, les travailleurs, les paysans et toutes les masses pauvres d'Égypte ne pourront imposer leurs exigences vitales qu'en établissant un pouvoir qui représente vraiment les opprimés, qui leur permette d'exercer un véritable contrôle sur les richesses du pays et sur l'ensemble de l'économie.

C'est peut-être au travers des luttes actuelles, au sein de la classe ouvrière en particulier, que cette perspective peut s'ouvrir.

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