Nouvelle-Calédonie : L'assaut de la grotte d'Ouvéa en 1988 - la brutalité colonialiste de l'État français24/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2260.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Nouvelle-Calédonie : L'assaut de la grotte d'Ouvéa en 1988 - la brutalité colonialiste de l'État français

Le film de Mathieu Kassovitz L'ordre et la morale, qui retrace l'assaut donné par le GIGN dans la grotte d'Ouvéa en mai 1988, est sorti dans les salles métropolitaines. Mais en Nouvelle-Calédonie, là où s'est déroulée cette attaque, les directeurs de salle hésitent à le programmer tant le sujet reste brûlant dans les mémoires.

La Nouvelle-Calédonie a beau être devenue un Territoire d'Outre-mer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les descendants des anciens colons blancs, les Caldoches, arrogants et racistes, continuent à se comporter en maîtres de l'île. Ils concentrent entre leurs mains la richesse et le pouvoir, tandis que les Kanaks sont relégués dans les terres agricoles pauvres. Sur la base de ces inégalités sociales et raciales s'est développé dans les années soixante-dix un mouvement indépendantiste kanak dont le FLNKS (Front de libération nationale kanak socialiste) est la principale composante.

Le 22 avril 1988, un commando du FLNKS attaquait une gendarmerie de l'île d'Ouvéa, tuant quatre hommes, avant de se retirer dans une grotte en emmenant le reste des gendarmes avec eux. Cela se passait deux jours avant le premier tour de l'élection présidentielle, Mitterrand étant alors président et Chirac son Premier ministre. Sept cents hommes des unités d'élite furent envoyés sur place pour quadriller l'île. Dans la tradition colonialiste, Chirac présenta les ravisseurs comme des « sauvages qui tuent à l'arme blanche » ; il ne répondit pas aux demandes de négociation du responsable du commando. Voulant apparaître comme un homme fort à quelques jours du scrutin, il laissa le champ libre aux militaires pour préparer l'assaut. Le feu vert de Mitterrand était indispensable pour cette opération militaire, et celui-ci l'accorda sans états d'âme.

L'assaut, brutal, dans la tradition des répressions coloniales menées par l'impérialisme français, eut lieu le 5 mai 1988. Deux gendarmes et dix-neuf indépendantistes furent tués, dont trois au moins après la fin de l'attaque, mais une douzaine avaient une balle dans la tête en plus de blessures diverses sur le corps, ce qui peut laisser supposer une exécution sommaire. Les cadavres, ficelés, traînés à terre, furent emportés à l'aéroport de Nouméa où ils restèrent deux jours entassés dans un hangar.

Les accords de Matignon qui furent signés le 26 juin 1988 entre le gouvernement de Michel Rocard et les dirigeants indépendantistes contenaient une loi d'amnistie s'appliquant à tous les protagonistes, prétendument dans un but d'apaisement, mais qui avait surtout le mérite de couvrir les agissements des militaires français.

Pour des raisons de cuisine électorale, les plus hautes autorités de l'État ont autorisé les exactions commises par des militaires formés, lors des guerres coloniales de la France, à réprimer dans le sang toute volonté d'indépendance des peuples. Ce qui s'est passé à Ouvéa demeure, plus de vingt ans après les faits, un sujet sensible que les dirigeants aimeraient voir rester dans l'ombre.

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