Servier : Mediator, Protelos... La sécurité sanitaire passe après14/09/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/09/une2250.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Servier : Mediator, Protelos... La sécurité sanitaire passe après

Et de deux. Après Mediator, Protelos, un autre médicament des laboratoires Servier, est sur la sellette. Le laboratoire aurait falsifié des rapports et minimisé des effets secondaires graves et potentiellement mortels de ce médicament.

Protelos est un médicament indiqué dans l'ostéoporose, essentiellement prescrit à des femmes ménopausées pour réduire le risque de fracture. Il a été mis sur le marché en 2004. L'Agence européenne du médicament avait alors estimé --c'est un calcul qui est fait pour tout médicament avant sa sortie-- que les bénéfices apportés étaient supérieurs aux effets secondaires, aux risques encourus. En 2007, après trois années d'utilisation du médicament, d'autres effets secondaires furent mis en évidence, notamment des cas d'allergies très graves. Seize cas étaient signalés en Europe, dont deux mortels. Les médecins furent alertés, le médicament ne fut pas retiré du marché mais ses indications réduites.

Ce qui est aujourd'hui reproché à Servier c'est d'avoir, alors et depuis, minimisé la gravité des effets secondaires et sous-estimé leur nombre, et de ne pas les avoir déclarés immédiatement et correctement. Bien sûr, Servier nie tout en bloc. Exactement comme il a nié, et s'acharne à continuer de le faire, ses déficiences criminelles concernant le Mediator.

Pour Mediator, il a fallu attendre plus de quarante ans pour que des scientifiques, à l'époque salariés par Servier et qui y ont fait toute leur carrière, avouent que dès le départ on savait que ce médicament -- qui n'avait pas encore de nom -- était une amphétamine, un coupe-faim, mais que les rapports d'études avaient été falsifiés pour que le Mediator soit promu comme antidiabétique. Pourquoi ? Parce que le marché du diabète est beaucoup plus vaste et donc la rentabilité financière beaucoup plus importante. Il a donc fallu quarante ans pour y voir clair. Entre-temps, entre 500 et 2 000 personnes en sont mortes.

Aujourd'hui, pour tenter d'expliquer ces falsifications et ces mensonges criminels, certains mettent en avant la « culture d'entreprise » spécifique au laboratoire Servier et ses méthodes « perverses ». Mais il y a aussi et surtout la « culture des affaires » en général, la soumission des politiques, y compris du sommet de l'État, aux intérêts des industriels. Sarkozy, en 2009, quelques mois avant l'interdiction du Mediator, décorait Servier de la grand-croix de la Légion d'honneur, en lui déclarant au passage : « La nation vous est reconnaissante. Vous êtes une publicité vivante pour le médicament. » Quant à Mitterrand, vingt-cinq ans plus tôt, il lui avait accroché les insignes de l'Ordre national du mérite.

Mensonges, falsifications des données... Il ne manque pourtant pas d'organismes de contrôle et de suivi pour assurer la qualité et le contrôle des médicaments. De l'Agence du médicament aux diverses commissions de l'Afssaps (l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), les experts sont nombreux et compétents. Mais, à tous les niveaux, ces instances sont gangrenées par des relations d'intérêts avec l'industrie et sont toutes sous l'autorité du ministère de la Santé. Par essence même, elles ne peuvent être indépendantes. Leurs contrôles, leurs décisions sont soumises à l'intérêt des laboratoires. Et on vient encore d'apprendre que dans l'enquête sur le Mediator faite par le Sénat, un « expert », qui fut par ailleurs directeur de l'Inserm, serait intervenu et se serait montré suffisamment complaisant pour atténuer les termes du rapport incriminant Servier.

Ainsi, malgré les contrôles, l'intérêt financier domine et peut régir l'industrie du médicament, y compris parfois au mépris de la vie des malades.

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