Italie - Le résultat des élections régionales : Un succès des abstentions... plus que de Berlusconi08/04/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2175.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie - Le résultat des élections régionales : Un succès des abstentions... plus que de Berlusconi

Cet article est extrait du commentaire de nos camarades italiens du journal L'Internazionale au sujet des élections régionales des 27 et 28 mars en Italie.

Le fait marquant de ces élections a été l'augmentation des abstentions. C'est la première fois que la participation dans une consultation d'importance nationale descend nettement en dessous de 70 %, arrivant même à 63,5 %, marquant l'augmentation de la défiance à l'égard des partis et politiciens professionnels.

NOUVELLES ILLUSIONS NORDISTES

Si l'on prend en compte le nombre absolu de voix et non les pourcentages, même un journal progouvernemental doit constater que « même la Ligue du Nord ne gagne pas de voix ». Le parti d'Umberto Bossi (qui a assis son ascension sur la démagogie dirigée contre les méridionaux et les immigrés - NdT) a eu 200 000 voix de moins que lors des européennes. C'est une hémorragie mineure comparée à celle des autres partis, mais toujours une hémorragie. L'Italie des Valeurs (IDV) de l'ancien juge Di Pietro, pourtant présentée comme gagnante dans ces régionales derrière la Ligue du Nord, en a perdu 477 000. Mais ce sont en fait les grands partis qui perdent le plus de voix : le Parti Démocrate (PD) en perd 1 200 000, et le Peuple de la Liberté de Berlusconi (PDL) en perd 3 222 000. Selon un commentateur, « les vainqueurs de ces élections n'ont pas gagné de nouveaux électeurs, mais réussi à garder leurs voix ou à en perdre moins que les autres ». Voilà toute la victoire « fulgurante » de la coalition Bossi-Berlusconi.

La moindre perte de voix de la Ligue du Nord n'en a pas moins une signification politique. La présence structurée sur le territoire a été un de ses atouts, tout comme sa « capacité de parler aux gens » que tous soulignent et qui n'est en fait que l'utilisation cynique et l'amplification consciente des peurs et préjugés de la petite bourgeoisie du Nord et du Nord-Est en particulier, peurs et préjugés qui ont aussi touché une part de la classe ouvrière.

Ce « parti normal » ne parle plus de sécession du Nord comme il le faisait auparavant, ou en tout cas il ne la met pas à l'ordre du jour. Il estime plus profitable de se servir des positions ministérielles conquises dans ce qu'il appelait « Rome la voleuse » pour chercher à obtenir le maximum de « fédéralisme fiscal » que sa nouvelle situation de force permettra d'imposer à Berlusconi.

Dans une zone géographique qui produit la plus grande part de la richesse nationale, la possibilité de disposer de l'argent des épargnants et du revenu local des impôts est présenté par les hommes de Bossi comme la solution de tous les problèmes économiques de cette clientèle qu'il nomme le « peuple du Nord ». Il s'agit d'une illusion. Dans l'utilisation des revenus de la future fiscalité « fédérale », une masse d'argent ira en priorité dans les poches des grands patrons et certainement pas dans celles des petits entrepreneurs, qui devront se satisfaire de miettes.

UNE RIPOSTE QUI NE PEUT VENIR DES URNES

Si la coalition de gouvernement apparaît renforcée, c'est qu'elle a moins été pénalisée par l'abstention, mais elle perd des appuis dans la population. Quant au PD (la « gauche » issue de l'ancien PC et de fractions de la Démocratie Chrétienne - NdT), son secrétaire Bersani a tenté de contredire l'idée que son résultat électoral (la perte de régions comme le Piémont ou la Campanie notamment) témoigne d'un « écroulement » de son parti. Mais le vrai problème du PD est que le groupe dirigeant est maintenant divisé en factions.

Le PD semble avoir hérité de toutes les faiblesses du PCI finissant, en particulier la perméabilité de ses dirigeants aux critiques et aux jugements les plus à la mode dans la petite bourgeoisie intellectuelle. Le Parti Communiste Italien, plus ou moins depuis la fin des années soixante-dix, avait commencé à liquider le réseau de militants qui donnait au parti sa présence dans les quartiers des grandes et petites villes, en particulier dans le Centre mais aussi dans le Nord. Progressivement on écartait le travail « obscur » des militants, des diffuseurs de l'Unità, de ceux qui maintenaient matériellement les sections, au bénéfice d'un prétendu modernisme, d'une « nouvelle manière de faire de la politique » dont Veltroni fut un des plus grands prophètes. Aujourd'hui le PD poursuit et accentue ces faiblesses. C'est un parti sans identité, à commencer par son nom qui veut évoquer une improbable parenté avec le parti homonyme de Clinton et Obama.

Les travailleurs sont privés, y compris sur le plan électoral, d'un parti qui les représente ou qui dise les représenter. Des partis « qui comptent », a disparu toute référence spécifique aux intérêts de la classe travailleuse, toute allusion à la tradition socialiste et communiste du mouvement ouvrier. La crise a en outre augmenté dans la classe ouvrière la sensation d'appartenir à un monde étranger à la politique. « Si la politique me méprise, moi je méprise la politique » : ainsi raisonnent un nombre croissant de travailleurs.

Reconstruire les forces de la classe ouvrière, répondre aux attaques patronales, se battre contre les licenciements, en étant conscients que la société a des réserves suffisantes de richesse pour permettre, par exemple, d'assurer un revenu décent à tous ceux qui ont perdu leur travail, cela constitue déjà en soi un objectif « politique ». Les travailleurs ont besoin de politique, mais d'une politique qui soit la leur. L'écoeurement à l'égard des politiciens des deux principaux regroupements ne doit pas se traduire en un refus de l'arme politique, mais par un effort pour forger la sienne propre.

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