Allemagne : L'Église catholique et les abus sexuels sur mineurs08/04/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/04/une2175.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : L'Église catholique et les abus sexuels sur mineurs

Depuis des semaines, les révélations de cas d'abus sexuels commis sur des mineurs, dans des institutions (écoles, internats, cloîtres...) de l'Église catholique au cours des dernières décennies, se multiplient en Allemagne. Plus de 250 victimes anonymes se sont ainsi fait connaître depuis janvier auprès d'Ursula Raue, une avocate mandatée par le collège Canisius de Berlin, un lycée tenu par des jésuites et qui a formé de nombreux membres de la haute société allemande.

Autre exemple : celui du metteur en scène et compositeur Franz Wittenbrink, élève de l'internat du choeur de Ratisbonne jusqu'en 1967, qui témoigne, dans une édition récente de l'hebdomadaire Der Spiegel, des violences sexuelles commises sur plusieurs élèves par un ancien directeur de l'établissement. « On le savait tous » et « je ne peux pas m'expliquer pourquoi le frère du pape, Georg Ratzinger, qui était maître de chapelle depuis 1964, ne pouvait pas être au courant », affirme-t-il.

Certes les cas de pédophilie sont répandus dans toute la société et ne concernent pas uniquement les Eglises. Mais aujourd'hui 19 des 27 diocèses catholiques d'Allemagne sont touchés. Et lorsque l'Eglise a mis en place un numéro d'urgence pour que les victimes puissent - enfin - témoigner, 4 459 tentatives d'appels ont été enregistrées le 30 mars, premier jour de son entrée en fonction ! Le nombre d'appelants est sans doute moindre, car certains ont essayé d'appeler plusieurs fois sans succès, mais tout cela est révélateur de l'ampleur du scandale. Il ne s'agit donc pas, comme le prétendent les autorités religieuses, de cas isolés, de « brebis galeuses », mais d'un véritable fléau, qui n'a pu exister sans qu'un certain nombre de responsables soient au courant... et ne couvrent les faits, se contentant, dans bien des cas, de muter les individus concernés. Si bien qu'aujourd'hui il y a prescription pour la majorité des cas révélés.

Mais il faut aussi souligner la responsabilité des gouvernements qui se sont succédé depuis la création de la République fédérale, et qui ont permis aux Églises de conserver, malgré leur rôle peu glorieux sous le régime nazi, un poids considérable dans la société et la possibilité d'agir en se passant de tout contrôle : l'enseignement religieux est obligatoire dans les écoles publiques ; l'État se charge lui-même de prélever l'impôt d'Église ; le réseau hospitalier des Églises représente environ 30 % de la capacité hospitalière du pays, le personnel qu'elles emploient dans ce domaine dépassant le million.

L'État a aussi laissé aux centres de santé religieux la possibilité de procéder aux consultations médicales obligatoires pour les femmes voulant avorter, et de délivrer l'attestation selon laquelle conseil a été pris auprès d'une organisation agréée par l'État, requise par l'administration médicale pour procéder à une IVG. On imagine quel genre de conseil « impartial » peut être prodigué dans de tels centres. Et si l'Église catholique a abandonné cette fonction depuis 2001, ce n'est nullement à la demande de l'État, mais sur ordre de Jean-Paul II, qui ne voulait même pas entendre parler d'avortement.

Dans ce contexte, la chancelière chrétienne-démocrate Angela Merkel peut bien exiger, comme elle l'a fait le 17 février dernier, « vérité et clarté » sur les prêtres pédophiles. La mansuétude dont fait preuve depuis des décennies l'État allemand vis-à-vis des Églises et de leurs méfaits relève pour une bonne part de l'hypocrisie.

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