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Afghanistan - Pakistan : La guerre s'intensifie contre la population
Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a annoncé le limogeage du commandant en chef des forces en Afghanistan, remplacé par le général McChrystal, précédemment chef des opérations spéciales et formé à la « contre-insurrection ». Sous ses ordres figurent des unités qui auraient capturé Saddam Hussein en 2003 et tué en 2006 Al-Zarkaoui, présenté comme un chef d'Al Qaïda en Irak.
Ce remplacement soudain et inhabituel fait suite aux bombardements meurtriers qui ont tué, les 4 et 5 mai, près de 130 villageois dans la province de Farah, dans l'ouest de l'Afghanistan. Un « dommage collatéral » plus grave encore que les précédents, pourtant fréquents dans ce pays où, selon l'ONU, 2 118 civils ont péri du fait de la guerre en 2008, année la plus meurtrière depuis le renversement des talibans en 2001.
Malgré tout, faisant fi des « bavures », les États-Unis ont affirmé qu'ils ne cesseraient pas les bombardements que le président afghan Karzaï, inquiet de son avenir à quelques semaines de l'élection présidentielle dans le pays, leur a pourtant demandé de suspendre. Des troupes américaines supplémentaires devraient même être dépêchées, de sorte que les effectifs engagés dans la guerre en Afghanistan devraient atteindre, à l'automne, 68 000 soldats.
Parallèlement, la guerre s'enflamme aussi dans les zones voisines du nord-ouest pakistanais, où les troupes gouvernementales, appuyées par des tirs de missiles américains, prétendent réduire la « rébellion » des insurgés des zones tribales. Depuis plusieurs mois, ces bombardements de plus en plus fréquents, censés cibler des « cadres » d'Al Qaïda et des talibans, ont transformé les villages de la région en champs de ruines. Depuis août 2008, les missiles tirés depuis l'Afghanistan voisin par l'armée américaine, ont tué 400 personnes. Enfin, depuis deux semaines, les troupes pakistanaises ont entrepris d'écraser les milices de « talibans » repliées depuis deux ans dans la vallée montagneuse de Swat, au nord-ouest.
Ce véritable massacre se traduit par un sauve-qui-peut tragique de la population. Entre août 2008 et le début de cette dernière offensive, des vagues d'exodes avaient jeté plus de cinq cent mille personnes dans des camps ou des familles d'accueil. À nouveau, par centaines de milliers, les villageois fuient vers les camps de réfugiés, après la perte de leurs maisons et de leurs récoltes. Les ONG dénoncent la surpopulation dans les camps, la situation sanitaire désastreuse, le manque d'électricité, d'eau, de nourriture, d'infrastructures médicales, aggravés sous l'effet de la chaleur.
Les appels à l'aide internationale du président pakistanais Zardari, concernant l'état de catastrophe humanitaire où se trouve la population de cette région, ne masquent pas la responsabilité de son gouvernement dans cette guerre. Sous la pression de leur allié américain qui les incite à démontrer leur détermination face à la « rébellion » des insurgés, rapidement baptisés « talibans », les gouvernants pakistanais ont engagé 15 000 soldats dans cette guerre civile. Les militaires prétendent combattre 5 000 insurgés : quoi d'étonnant à ce que ces derniers se renforcent des villageois indignés, désespérés par la perte de proches ou de tous leurs biens ?
Exodes, attentats, bombardements, destructions et désolation : cette guerre de part et d'autre de la frontière pakistano-afghane est d'abord imputable aux choix des grandes puissances qui tentent depuis des décennies d'imposer leur ordre dans la région. La stratégie prétendument nouvelle du président Obama, les changements qu'il dicte à la tête des forces américaines, ne changent rien sur le fond et n'aboutissent qu'à intensifier la guerre. L'intervention militaire occidentale est la première responsable de l'aggravation de la situation en Afghanistan et au Pakistan, et c'est d'abord elle qui doit prendre fin.