Élections prud'homales : Défense des droits ouvriers ou compétition entre appareils syndicaux ?26/11/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/11/une2104.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Élections prud'homales : Défense des droits ouvriers ou compétition entre appareils syndicaux ?

Les élections prud'homales vont se dérouler dans tout le pays le 3 décembre. Les salariés sont appelés à élire les conseillers salariés qui siègent à parité avec les conseillers patronaux, pour composer les tribunaux des prud'hommes chargés de juger les contentieux entre salariés et employeurs.

Le mouvement ouvrier a toujours été, avec raison, attaché à cette juridiction qui donne aux travailleurs, quasiment sans frais, une possibilité légale de faire respecter leurs droits par leur patron.

Cela peut concerner, par exemple, le non-paiement d'une partie de leur salaire, les heures supplémentaires effectuées et non payées, la violation des conventions collectives ou des contrats de travail. Un nombre croissant de contentieux concernent aussi les licenciements, ouverts ou déguisés. Cela peut être par exemple une série de licenciements sous des prétextes disciplinaires, pour lesquels le patron ne veut rien payer alors qu'il s'agit en fait de licenciements économiques.

Ce sont aussi les Prud'hommes qui doivent juger des raisons économiques des licenciements invoquées par des groupes qui jettent à la rue leur personnel pour augmenter leur rentabilité.

Bien sûr, au mieux les Prud'hommes ne peuvent que faire respecter la loi, les conventions collectives et les accords. Or ces dernières années on assiste à une régression importante dans ce domaine. Les protections légales des travailleurs sont peu à peu supprimées et leurs droits sont de plus en plus réduits. Cela limite d'autant les possibilités d'intervention des Prud'hommes.

D'autre part les conseils de prud'hommes sont composés d'autant de juges patronaux que de juges ouvriers. Dans la très grande majorité des cas, dès qu'il s'agit d'un conflit ou d'un contentieux qui touche les grandes entreprises, les juges patronaux font preuve d'une solidarité de classe quasi absolue et, quand les juges ouvriers de leur côté ne cèdent pas, le jugement est alors remis entre les mains d'un juge professionnel qui doit juger seul. Et puis, dès que l'affaire a quelque importance sur le plan financier ou sur celui du droit, les patrons ont la possibilité de contester le jugement devant la cour d'appel puis la Cour de cassation, où il n'y a plus de juges ouvriers mais des juges professionnels, voire de hauts magistrats, qui ont le plus souvent des solidarités de classe avec le monde des exploiteurs.

C'est dire que, pour défendre leurs droits et leurs intérêts, les travailleurs doivent avant tout faire confiance à leurs luttes collectives. C'est d'ailleurs la force de ces luttes qui a dans le passé entraîné des changements dans la loi en leur faveur et fait évoluer dans le même sens la jurisprudence (c'est-à-dire les jugements de la Cour de cassation, qui font ensuite référence pour les autres tribunaux).

D'autre part, les élections du 3 décembre constituent aussi un enjeu important pour les appareils syndicaux, car elles serviront à jauger leur représentativité à l'échelle nationale. Du fait des nouvelles dispositions en vigueur, elles détermineront aussi quelles places leur seront attribuées dans une multitude d'organismes où les confédérations syndicales rencontrent le patronat. Et bien souvent, derrière la compétition à laquelle elles se livrent auprès des travailleurs pour gagner leurs voix en prétendant mieux défendre les intérêts de ceux-ci, se dissimule le souci d'être reconnu comme un interlocuteur valable par le gouvernement et le patronat, c'est-à-dire faisant preuve du sens des responsabilités... vis-à-vis de ces derniers.

C'est dire que si, dans les conseils de prud'hommes, les travailleurs ont tout intérêt à désigner des représentants qui soient les plus attachés possible aux droits ouvriers et les plus déterminés à les faire prévaloir, ce n'est pas toujours un choix si facile à faire.

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