Irak : à Fallouja, la population prise en étau08/06/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/06/2497.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : à Fallouja, la population prise en étau

Depuis le 25 mai, l’armée irakienne et diverses milices essentiellement chiites, appuyées par les bombardements de la coalition, tentent de reprendre Fallouja, ville située au nord-ouest de l’Irak, occupée par les milices du groupe État islamique (EI) depuis janvier 2014.

Dans cette ville sunnite qui a compté jusqu’à 300 000 habitants, il ne resterait que 50 000 civils, d’après l’organisation Human Rights Watch (HRW). Beaucoup tentent de fuir, au péril de leur vie, pour échapper aux milices de l’EI mais aussi aux bombardements qui s’intensifient. Il leur faut échapper aux tirs des djihadistes, aux mines placées par eux un peu partout autour de la ville, en tentant de passer à travers champs ou en traversant l’Euphrate sur des bateaux de fortune. « Les gens utilisent tout ce qui flotte, d’une armoire à un conteneur en plastique », précise Caroline Gluck, porte-parole du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) pour l’Irak. À Amriyat al-Fallouja, une localité à une vingtaine de kilomètres au sud de Fallouja, d’après le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), de nouveaux déplacés, affamés et épuisés, ayant fui les localités sous contrôle de l’EI, affluent tous les jours. Les rescapés témoignent de la situation dramatique que subit la population restée à Fallouja : famine, manque total de médicaments, manque d’eau potable, sans parler des exactions commises par les djihadistes qui imposent leurs règles de vie moyenâgeuses.

Mais la population, essentiellement sunnite, craint également les représailles des milices chiites des Forces de mobilisation populaires censées venir les libérer. Hadi al-Ameri, le commandant de l’une d’elles, la milice Badr, un ancien ministre du précédent gouvernement irakien de Nouri al-Maliki, avait annoncé clairement il y a quelques mois sa volonté d’attaquer les zones sunnites « jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien ». « Les civils irakiens sont coincés entre le marteau et l’enclume, subissant d’une part les attaques de l’État islamique et d’autre part les abus commis par les milices progouvernementales dans les territoires reconquis par celles-ci », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, qui dénonçait alors les exactions commises par des milices chiites dans des zones de la province de Diyala en février 2015.

Le chaos dans lequel est plongé l’Irak, comme l’ensemble de la région, n’est la conséquence d’aucune malédiction géographique, ni de prétendus conflits religieux ancestraux, mais bien la conséquence des multiples interventions impérialistes dans la région. Il découle en particulier de la guerre déclenchée en 2003 contre l’Irak par les États-Unis et ses alliés impérialistes, et des années d’occupation qui ont suivi. C’est durant cette occupation, en 2004, que l’armée américaine fit un bain de sang parmi la population à Fallouja, afin de montrer ce qu’il en coûtait de s’opposer à elle.

Une fois Saddam Hussein vaincu, les dirigeants impérialistes ont détruit tout l’appareil d’État irakien, dont les cadres étaient sunnites, créant un nouveau pouvoir irakien sur des bases confessionnelles et s’appuyant essentiellement sur des milices chiites. Ils suivaient en cela la politique de toujours de l’impérialisme, consistant à diviser pour régner en s’appuyant sur les forces les plus réactionnaires. Quand les troupes américaines quittèrent l’Irak en décembre 2011, rien n’était rentré dans l’ordre, bien au contraire. Les dirigeants impérialistes avaient ouvert la boîte de Pandore d’où sortirent les milices de toute obédience, chiites et sunnites, dont celles de l’État islamique.

L’Irak est aujourd’hui un pays qui implose sous l’action des bandes armées : les milices sunnites de l’État islamique, celles essentiellement chiites du pouvoir irakien mises en place par les autorités américaines, et toutes les autres, dont celles soutenues et financées par l’Iran. Même si les milices de l’EI étaient vaincues en Irak et en Syrie, cela ne serait pas la fin des souffrances de la population. L’impérialisme n’a à offrir aux classes populaires, en Irak, comme ailleurs dans le monde, qu’un avenir de barbarie.

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