Ukraine : quand le pouvoir dénonce les « totalitarismes »15/04/20152015Journal/medias/journalnumero/images/2015/04/2437.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : quand le pouvoir dénonce les « totalitarismes »

Le 9 avril, le Parlement ukrainien a adopté quatre lois condamnant « les régimes totalitaires communiste et nazi ». Nier « leur caractère criminel » ou utiliser en public leurs symboles, chants ou drapeaux vaudra jusqu’à dix ans de prison.

Ces lois garantissent aussi « l’honneur » des « combattants pour l’indépendance de l’Ukraine au 20e siècle ». En clair : ceux de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) qui, de 1939 à 1945, massacra Juifs, Polonais et communistes. Combattant l’armée soviétique au côté de celle d’Hitler, l’UPA finit par affronter celle-ci quand il apparut que Berlin ne voulait en aucun cas d’un État ukrainien. Le chef de l’UPA, Stepan Bandera, qui avait célébré le Grand Reich, y fut alors emprisonné. Une circonstance bienvenue pour Kiev, qui vient d’en faire un héros national, ennemi des « deux totalitarismes » !

Que fera le pouvoir ukrainien, une fois signés les décrets d’application de ces lois ? L’avenir le dira. Cela implique déjà de débaptiser nombre de rues, villes et institutions qui évoquent des faits ou personnages que ces lois condamnent. Outre que cela pose d’énormes problèmes administratifs, postaux, routiers, d’état civil, cela peut mécontenter même des gens qui ne portent pas le précédent régime dans leur cœur, mais dont cela chamboule le quotidien. Et puis, il y a aussi tous ceux qui, sans soutenir les séparatistes prorusses ou la politique du Kremlin, restent attachés, sinon à ce qu’était l’URSS, du moins à une histoire personnelle et collective qui s’est inscrite dans un cadre soviétique. Et ce passé, bien des Ukrainiens le comparent sans doute à leur présent, avec la guerre dans l’Est et, partout, une terrible régression économique et sociale.

Cette réalité, le pouvoir voudrait que sa population l’oublie, en mettant tous ses maux sur le dos de l’étranger, russe bien sûr. En outre, cela lui donne les moyens de s’en prendre à qui contesterait sa politique au nom des intérêts des travailleurs. La loi l’autorise en effet maintenant à réprimer un journal arborant la faucille et le marteau ou une organisation se revendiquant des luttes passées et à venir de la classe ouvrière, en les cataloguant prototalitaires, ou plus simplement prorusses.

Ce n’est bien sûr pas pour déplaire aux puissances occidentales, qui veillent aux intérêts de leurs banques et grandes sociétés en Ukraine en se faisant les tutrices de Kiev. La célébration de Bandera ou la désignation du chef de l’organisation fasciste Pravyi Sektor comme conseiller de l’état-major d’une armée ukrainienne qu’encadrent des militaires canadiens ou britanniques et qu’arment des États impérialistes ? Cela ne devrait pas plus causer de soucis aux dirigeants occidentaux que des situations du même genre dont ils s’accommodent depuis des années, notamment dans les pays baltes, depuis que ces ex-républiques soviétiques ont intégré l’Union européenne et l’OTAN.

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