Ukraine : Une population prise entre deux feux11/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2367.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ukraine : Une population prise entre deux feux

Plus de deux semaines ont passé depuis le début des manifestations, de plus en plus nombreuses et radicales dans la forme, contre la décision du gouvernement ukrainien de refuser l'accord d'association proposé par l'Union européenne. Le président Ianoukovitch, qui s'était opportunément tenu à l'écart de la répression policière des premiers jours en s'envolant pour des voyages officiels en Chine, puis en Russie, prend maintenant la posture du conciliateur.

Ianoukovitch peut se dire d'autant plus facilement ouvert à des négociations avec l'opposition que celle-ci, divisée entre divers courants, n'a ni leader reconnu – au contraire de la « révolution orange » qui l'avait écarté de la présidence voici dix ans – ni perspectives politiques communes.

Une opposition éclatée

Certains, tel l'ex-champion du monde de boxe Klitchko et son parti Oudar (« Le coup porté ») aimeraient accéder au gouvernement, mais restent minoritaires, même au sein de l'opposition. Quant au précédent président Iouchtchenko, son passage aux affaires l'a tellement usé qu'il semble hors jeu. Son ancienne alliée et rivale, Ioulia Timochenko, compte, elle, de nombreux partisans. Mais elle se trouve derrière les barreaux, condamnée pour des trafics financiers quand elle dirigeait le gouvernement « orange ». Certes, elle ne fait pas exception parmi les politiciens de ce pays. Du coup, elle accuse à son tour l'actuel président, corrompu jusqu'à la moelle, d'avoir trouvé là un prétexte pour la neutraliser politiquement.

Les lunettes très spéciales de Bruxelles

Face à ces deux principaux dirigeants ukrainiens, aussi peu reluisants l'un que l'autre, l'Union européenne a fait son choix, mais un choix qui varie au gré des besoins. Ainsi, Bruxelles exige la libération de Timochenko, qui a l'habileté de se dire pro-européenne. Mais ces derniers mois, les dirigeants européens se faisaient plus discrets sur ce thème quand ils négociaient un accord avec Kiev, que Ianoukovitch semblait prêt à ratifier. Ils auraient même pu alors présenter comme fréquentable ce même personnage qu'ils ont vilipendé des années durant comme mafieux et pro-russe. Ce que Ianoukovitch est aussitôt redevenu, aux yeux des dirigeants européens, dès qu'il a refusé de signer le traité concocté par Bruxelles.

La même cécité à éclipses semble avoir atteint les gouvernements et médias ouest-européens qui, depuis bientôt trois semaines, décrivent les manifestants de Kiev comme des démocrates pro-européens. Qu'il y en ait parmi eux est certain, mais il est tout aussi certain qu'une composante du mouvement, et non des moindres, est faite d'ultra-nationalistes, racistes et antiouvriers.

Ianoukovitch, en tout cas, mise sur l'essoufflement du mouvement. Quant à l'Union européenne, tout en soutenant bruyamment ce qu'elle décrit comme les aspirations européennes des opposants à Ianoukovitch, elle ne serait sans doute pas fâchée de voir ce dernier reprendre la situation en main, du moins éviter qu'elle ne prenne un tour explosif, avec le risque de partition de ce pays de 46 millions d'habitants, situé au coeur de l'Europe, entre un Ouest nationaliste dit « pro-européen » et un Sud et un Est dits « pro-russes ».

L'État ukrainien est au bord de la cessation de paiement et le FMI met comme condition à son « aide » financière que Kiev s'en prenne aux conditions d'existence déjà plus que précaires des classes laborieuses de tout le pays. L'Union européenne, qui n'avait de toute façon rien à offrir à l'Ukraine avec son contrat d'association, ne lui aurait réservé que les coups qu'elle et ses banquiers ont déjà portés aux travailleurs de Grèce, d'Espagne, du Portugal notamment. Alors, à tout prendre, les dirigeants des États impérialistes de l'Union européenne préfèrent que ce soit un Ianoukovitch qui endosse la responsabilité de cette situation dramatique, avec dans son ombre Poutine.

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