Accord européen sur les travailleurs détachés : La montagne a accouché d'une souris11/12/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/12/une2367.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Accord européen sur les travailleurs détachés : La montagne a accouché d'une souris

Au terme de longues discussions sur le statut des travailleurs détachés, les vingt-huit ministres du Travail des États de l'Union européenne sont parvenus à un compromis lundi 9 décembre. Le ministre français Michel Sapin s'est félicité de cet accord « en tout point semblable » à ce qu'il voulait et qui, a-t-il dit, marque « la fin de systèmes quasi mafieux contre lesquels nous allons avoir les moyens de lutter ».

Pourtant, l'accord conclu ne va pas bien loin et il est difficile d'y voir ce qui pourrait empêcher les dérives d'un système d'embauches qui arrange si bien les patrons.

Depuis 1996 et l'accord Bolkenstein, les travailleurs d'un pays européen peuvent être employés dans n'importe quel autre pays de l'UE aux mêmes conditions de salaire, d'heures de travail, de congés que le pays d'accueil. Mais les cotisations sociales payées par les patrons sont versées au pays d'origine, au tarif en cours dans ce pays. C'est donc pour les patrons un premier bénéfice, légal et dont ils ne se privent pas, lorsque ces cotisations sont inférieures à celles prévues par la loi française.

Mais il s'y ajoute une autre source de profits, celle-ci illégale, obtenue en contournant la législation au moyen d'une cascade de sociétés sous-traitantes basées à l'étranger, et dont certaines n'existent que par une boîte à lettres installée dans un immeuble. Pour les travailleurs embauchés par ce biais, cela se traduit bien souvent par des salaires bien inférieurs au smic, parfois de quelques centaines d'euros seulement, des heures de travail non payées, du travail au noir, des conditions d'hébergement indignes, etc.

Il y aurait actuellement en France officiellement quelque 150 000 travailleurs détachés, mais le ministère du Travail estime à environ le double ceux qui ne sont pas déclarés. La plupart sont employés dans le bâtiment, l'agriculture, la restauration et des sociétés d'intérim. C'est d'ailleurs à travers ces dernières que de grandes entreprises ayant pignon sur rue, tel Alstom, ont embauché du personnel. Les travailleurs détachés ne sont d'ailleurs pas seulement des étrangers. Plusieurs milliers de salariés français sont ainsi employés sur le sol français via des sociétés d'intérim basées au Luxembourg.

Selon Michel Sapin, le compromis signé à Bruxelles devrait permettre de freiner le contournement de la législation du travail française pratiqué par de nombreuses entreprises. L'accord prévoit en effet un renforcement des contrôles, y compris sur la kyrielle de sous-traitants, et permettra à un État de poursuivre un donneur d'ordre pour les fraudes opérées par un sous-traitant, du moins dans le secteur du bâtiment.

En France, le ministre du Travail a annoncé que les contrôles effectués par l'inspection du travail allaient être multipliés. Mais quand on sait que, dans le même temps, il a à la fois réduit les effectifs de cet organisme et les contrôles directs des entreprises effectués par ses agents – ce contre quoi ils s'étaient mobilisés début octobre – on mesure toute la portée de ses déclarations vertueuses, qui ne valent pas plus qu'un pet de lapin.

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