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- Lutte ouvrière n°2367
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Italie, à Prato : Capitalisme meurtrier
Les alvéoles de 2 à 3 m² contenant les couchettes voisinaient avec les machines à coudre, les réserves de tissus et les réchauds pour se faire à manger, le tout au milieu des rats et dans la saleté. Le feu, probablement dû à un chauffage électrique défectueux, s'est propagé très vite. Une partie du bâtiment s'est effondrée sur elle-même et les travailleurs ont été piégés à l'intérieur par les barreaux aux fenêtres.
Cela ne s'est pas produit dans l'un des bagnes usines du Bangladesh, mais dans l'un des pays les plus riches du monde, dans la banlieue de Prato, en Toscane. L'entreprise « Teresa Moda » est chinoise, de même que les travailleurs, en majorité clandestins. Elle fait partie des 4 000 usines de confection chinoises enregistrées dans la banlieue sud de Prato, qui ne comptent parfois qu'une dizaine d'ouvriers et qui apparaissent et disparaissent au gré des commandes en sous-traitance qu'elles enregistrent de la part de marques de prêt-à-porter italiennes. Femmes, hommes et enfants s'y entassent et y travaillent douze heures par jour, parfois plus si les commandes l'exigent, pour des salaires n'excédant pas 800 euros mensuels pour les adultes. L'un d'eux a expliqué que comme la majorité de ses camarades de travail, il venait d'une province rurale du Sud-Est de la Chine, Wenzhou, et qu'on lui avait fait miroiter la possibilité de gagner 30 000 euros en trois ans, avant de retourner au pays.
Prato est la région italienne qui concentre les usines textiles et de travail du cuir du pays. Comme les Zara et autres Auchan ou Wallmart, à l'origine de l'exploitation moyenâgeuse des travailleurs du Bangladesh ou d'Haïti, les patrons italiens du prêt-à-porter ont cherché à faire des économies sur la production : ils sont parvenus à le faire à domicile, en créant les conditions d'exploitation des pays pauvres à quelques kilomètres du centre historique de Prato.
Après ce drame, tous y sont allés de leurs commentaires indignés quant aux conditions de vie et de travail de ces ouvriers. Mais bien entendu, l'existence de milliers d'entreprises de ce genre, toutes concentrées dans le même périmètre, est connue. Le ministre du Travail a bien fait une déclaration sur la nécessité d'empêcher une telle exploitation, mais a reconnu lui-même que les moyens de contrôle sont devenus pratiquement nuls depuis les coupes dans les effectifs, dues aux derniers budgets d'austérité.
Les dirigeants politiques et patronaux tentent de faire oublier leurs responsabilités dans cette tragédie en l'attribuant aux Chinois et à leurs « valeurs », qui seraient bien entendu différentes et moins « civilisées » que celles des Italiens. C'est d'autant plus scandaleux qu'ils sont bien placés pour savoir que cette surexploitation rapporte d'abord et avant tout aux patrons italiens. L'an dernier, une « mission Chine » a d'ailleurs été organisée par l'union industrielle de Prato et financée en partie par la région Toscane, pour négocier un assouplissement des conditions d'importation des produits textiles italiens en Chine, en contrepartie du développement des entreprises chinoises en Italie.
La surexploitation de ces travailleurs immigrés, clandestins ou non, n'est pas une exception. On se souvient de la révolte des travailleurs agricoles africains en Calabre et dans les Pouilles contre leurs conditions de vie et de travail, auxquelles s'ajoutaient les violences racistes. Plus généralement, le capitalisme italien détient le record européen du nombre de morts au travail, faute de respecter les conditions de sécurité les plus élémentaires. Italiens ou immigrés, les travailleurs du pays font face à une même offensive du patronat, déterminé à augmenter ses profits, quitte à ce que les travailleurs y laissent leur santé et leur vie. Les travailleurs chinois de Prato représentent une fraction de cette classe ouvrière, encore plus brutalement soumise à l'exploitation.