Centrale nucléaire de Cattenom (Meurthe-et-Moselle) : Deux morts, un blessé, et silence côté direction14/03/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2328.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Centrale nucléaire de Cattenom (Meurthe-et-Moselle) : Deux morts, un blessé, et silence côté direction

Douze jours après l'accident du travail du jeudi 28 février qui a fait deux morts et un blessé grave parmi les nomades du nucléaire, sur le chantier de la tranche 4 à la centrale de Cattenom, aucune information précise ne filtrait. Le Républicain lorrain de Thionville s'en était fait l'écho le lendemain de l'accident, titrant sur « l'omerta » à la centrale nucléaire.

Habitués aux exercices répétés, aux déplacements de gendarmes et de pompiers, beaucoup de salariés ne savaient pas ce jour-là qu'il y avait eu ce drame. Ils allaient l'apprendre par la presse, par France 3, par Internet plus tard, en rentrant chez eux.

À l'arrêt régulièrement, un réacteur ( ou tranche nucléaire - il y en a quatre à Cattenom ) est en réparation tous les dix ans pour des travaux importants. C'est au cours de ces chantiers multiples qu'a eu lieu la tragédie, tuant deux travailleurs d'entreprises sous-traitantes et en blessant un autre. Employés par deux sociétés différentes, ils vérifiaient et mettaient en état une nacelle provisoire pour ces travaux et se sont retrouvés victimes de l'installation.

Pour une fois, la direction a averti les organisations syndicales le jour même de l'accident... sans pour autant les inviter à la conférence de presse donnée le soir.

Parmi les sous-traitants présents sur place, l'émotion et la colère étaient grandes. Personne ne voulait travailler le lendemain sur le chantier. La direction a décrété alors une journée de deuil.

Après l'accident, la direction a détecté immédiatement les intervenants en bloquant leur badge dans le périmètre, pour les orienter vers les cellules de soutien psychologique mises en place spécialement. Depuis, autour du chantier, bloqué sur le moment et sous scellés du fait de l'enquête, l'activité reprend progressivement son cours.

Depuis des années, EDF sous-traite allègrement la maintenance et même certaines activités liées à la radioprotection. Le volume de ces travaux de maintenance doit encore s'accroître de 40 % du fait de la prolongation programmée de la durée de vie des centrales. Ce projet s'appelle « le grand carénage ».

Les entreprises se font concurrence pour obtenir les marchés, embauchent des intérimaires pour l'occasion. Du fait de l'urgence, et de la pression du calendrier pour le redémarrage, bien souvent les consignes de sécurité sont difficiles à respecter. Bien évidemment, la direction d'EDF ferme tous les jours les yeux, quand ça l'arrange, et les ouvre seulement pour aller pointer du doigt et sanctionner quand elle le décide.

Les conditions de vie et de travail se dégradent dans tous les domaines. Il n'y a même plus de parking sur la centrale assez grand aujourd'hui pour accueillir tous les salariés et la cantine délivre, en plus des repas, quantité de sandwiches.

Dans le bâtiment réacteur où les chantiers se superposent et les salariés se pressent, la file d'attente s'allonge sans cesse et il faut patienter longtemps pour passer au portique de détection.

Le danger de la sous-traitance des travaux est dénoncé par les organisations syndicales depuis longtemps, mais rien n'y fait. La loi un moment en projet pour interdire la sous-traitance dans le nucléaire est tombée aux oubliettes.

Du fait des morts, l'enquête judiciaire du procureur se mène conjointement avec l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Des salariés ont été auditionnés, le fichier informatique de l'état des présents sur place, destiné habituellement non au pointage mais aux secours, a été ouvert spécialement. Le CHSCT s'est réuni et a décidé de faire ses propres démarches.

La suite des enquêtes en cours en dira sans doute plus, mais les vrais responsables seront-ils mis en cause ?

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