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- Lutte ouvrière n°2328
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60 ans après : Le stalinisme sous l'oeil complaisant de L'Humanité
Certes, le PCF n'en est plus à présenter Staline comme le firent ses dirigeants Duclos, Thorez ou plus près de nous, Georges Marchais, qui s'inscrivaient dans un délirant culte de la personnalité envers celui qu'ils appelaient « le petit père des peuples », et ne pouvaient prononcer son nom sans y accoler le terme « génial ». Ceci ne serait qu'anecdotique si, dans le même le temps, le PCF, comme tous les partis communistes liés à l'URSS, n'avait pas été complice de la politique stalinienne.
Ainsi, pour Martelli, Staline qu'il qualifie d'« intelligent, travailleur, rusé, et déterminé » - ce qui contredit tous les témoignages sérieux sur le personnage - aurait été convaincu que « l'Octobre russe ne sera pas suivi de la révolution mondiale espérée par les communistes russes jusqu'en 1923 ». Staline aurait donc fait preuve de plus de réalisme, même si Martelli lui reproche de « s'être engagé dans une longue phase de volontarisme échevelé ». Très bon sur l'orientation, moins sur la méthode, conclut donc le professeur Martelli.
L'histoire réelle est bien éloignée de cette version stalinienne soft et guère sérieuse que nous livre Martelli. Il est faux en effet de laisser croire que Staline et ses partisans auraient été les maîtres d'oeuvre de la construction d'une puissante industrie devenue sous son règne la deuxième du monde. Le choix dit du « socialisme dans un seul pays » fait et imposé par les staliniens à l'URSS a eu, au contraire, des conséquences tragiques pour l'URSS née de « l'Octobre 1917 », à la fois pour le peuple soviétique et pour le mouvement communiste international et l'ensemble du mouvement ouvrier.
Car Staline et les siens ne se sont pas contentés de se désintéresser de ce qui se passait au-delà des frontières de l'URSS pour mieux construire l'industrie soviétique. Alors que des mouvements révolutionnaires se développaient, ils ont saboté leurs possibilités de vaincre et de donner un élan nouveau au jeune État ouvrier soviétique.
Il en a été ainsi, par exemple, vis-à-vis de la Révolution chinoise entre 1922 et 1927. La politique stalinienne s'y traduisit par le soutien ouvert au dirigeant nationaliste, Tchang Kaï-Chek, jusqu'à ce que ce dernier se retourne et massacre les militants communistes chinois insurgés, en les faisant jeter vivants dans les chaudières des locomotives, à Shangaï. Une volte-face qui était prévisible, prévue et dénoncée par Léon Trotsky.
Ce ne fut pas le seul exemple de cette politique consistant à freiner les élans révolutionnaires, à les détourner pour les faire échouer. En Espagne aussi, entre 1936 et 1939, l'appareil stalinien mit tout son poids pour que ce qui était véritablement une révolution se transforme en une simple guerre civile pour la défense d'une République bourgeoise.
Ces exemples - et il en existe de nombreux autres - montrent que le volontarisme que Martelli met au crédit de Staline n'a pas aidé à la construction d'une puissante industrie mais a au contraire multiplié les handicaps et les obstacles. Cette construction s'est faite au prix d'un gâchis économique astronomique dont le bilan humain - des millions de morts et de déportés dans les camps - a été monstrueux.
Car Staline et les siens ont commandé un massacre sans nom, dont les premières victimes furent les communistes eux-mêmes. À commencer par ceux qui, aux côtés de Lénine, oeuvrèrent au renversement de la bourgeoisie sur un territoire immense, représentant le sixième du globe.
Non, la dictature de Staline n'a pas été la simple déviance d'un individu par ailleurs bien intentionné, comme voudrait nous le faire croire Martelli, mais l'expression d'une réaction sanglante contre la révolution et les révolutionnaires. Le pire à mettre à son bilan est sans doute la façon dont il a profondément discrédité, auprès de millions de travailleurs du monde entier, l'image du communisme et, de ce fait, a donné au monde capitaliste un très long, trop long, sursis.