Égypte : Après le référendum constitutionnel26/12/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/12/une2317.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Après le référendum constitutionnel

Les 15 et 22 décembre s'est tenu en Égypte le référendum destiné à approuver ou rejeter le projet de Constitution présenté par le président Morsi et les islamistes au gouvernement. Le référendum a été organisé dans dix gouvernorats d'abord, puis dans les dix-sept autres, à la suite du refus de participation de nombreux juges censés superviser les opérations. Il y a un mois, Morsi tentait en effet de les déposséder, par décret, d'une grande partie de leurs pouvoirs, avant de reculer partiellement.

Sur les 51 millions d'électeurs, moins d'un tiers se sont déplacés. Parmi eux, 63,8 % ont approuvé le projet de Constitution concocté par une Assemblée quasi exclusivement composée d'islamistes du parti Liberté et justice, créé depuis février 2011 par les Frères musulmans, et al-Nour, leurs associés et néanmoins concurrents salafistes.

Dix millions d'électeurs ont voté « oui », mais sept autres millions ont rejeté le projet, notamment dans le gouvernorat du Caire (57 % pour le « non ») ainsi que dans deux gouvernorats de l'ouest. Et voter « non » n'était pas évident, d'autant que des dirigeants de l'opposition politique ont longuement hésité entre le boycott, l'appel à s'abstenir et celui à rejeter le projet.

Dans certains bureaux populaires, il fallait parfois attendre plusieurs heures pour glisser son bulletin dans l'urne. À Omraneya, dans le district de Gizeh, seuls deux employés avaient été mobilisés. Une électrice âgée aurait déclaré : « Je suis âgée, mais j'ai peur de ce que cette Constitution fera à mes petits-enfants. Je ne veux pas qu'ils vivent en esclaves. »

La nouvelle Constitution institutionnalise le rôle dévolu à l'armée, puisque le ministre de la Défense sera désigné dans ses rangs et que les tribunaux militaires continueront à juger des civils. Quant au président, son pouvoir s'accroîtra, puisqu'il pourra demander à ce que certaines sessions parlementaires se déroulent secrètement. Par ailleurs, la Constitution est basée sur les « principes de la charia », la loi islamique. Cela n'est pas nouveau en Égypte, puisque la Constitution de 1971 avait déjà inscrit ces termes dans les textes. Mais celle-ci aggrave le statut des femmes, en toute légalité. À la notion d'égalité hommes-femmes, qui serait contraire à la charia, se substitue une vague formule « d'égalité entre tous les Égyptiens, au sein de laquelle la femme doit trouver un équilibre entre ses devoirs familiaux et professionnels ». De plus, des articles confient à la société et à l'État le rôle de « protection de la morale, des moeurs et de l'ordre public », le tout dans le cadre de la charia.

Il y a donc là matière à s'inquiéter pour une grande partie de la population, même si Morsi annonce qu'il se dessaisit du pouvoir législatif, confisqué en juin dernier. Mais c'est pour le confier au Sénat (majoritairement contrôlé par les Frères musulmans et les salafistes) pendant les deux mois qui devraient conduire aux élections législatives. Cette mainmise des Frères musulmans et de leurs alliés sur l'appareil d'État s'accompagne d'une aggravation des conditions de vie de la majorité pauvre. Si, juste avant le référendum, Morsi a ajourné les hausses de prix et les baisses des subventions sur des produits de base (les couches les plus pauvres, 40 % de la population, vivent avec 1,50 euro ou moins par jour) les exigences du FMI pour verser le prêt attendu de 4,8 milliards de dollars restent les mêmes : la stabilité politique et une austérité drastique.

Quant aux augmentations de salaire, à l'embauche, à la fin de la corruption à tous les étages, au « Pain, liberté et justice sociale » scandé par les manifestants de février 2011 qui exigeaient le départ de Moubarak, il faudra qu'ils soient arrachés à ce gouvernement, ainsi qu'à la bourgeoisie et à l'armée qui se tiennent à ses côtés.

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