Bigeard aux invalides ? en compagnie de ses semblables07/12/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/12/une2262.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Bigeard aux invalides ? en compagnie de ses semblables

Une pétition lancée fin novembre à l'initiative de différentes personnalités, dont le secrétaire général du Parti communiste Pierre Laurent, demande que les cendres du général Bigeard ne soient pas transférées aux Invalides, comme souhaite le faire le ministre de la Défense Gérard Longuet.

Le texte de la pétition rappelle à juste titre que Bigeard a été « un acteur de premier plan des guerres coloniales » menées par la France en Indochine et en Algérie, « utilisant des méthodes souvent ignobles ». Son nom reste en effet lié à l'usage de la torture en Algérie et, bien qu'il ait nié l'avoir lui-même pratiquée, il en a accepté le principe, disant que cette barbarie était « un mal nécessaire ».

Mais la pétition ne se contente pas de dénoncer les exactions commises par un soudard, au nom d'un État qui tentait de conserver ses conquêtes coloniales. Elle déclare aussi qu'il y a « une certaine indécence à mettre Bigeard au rang d'autres militaires qui reposent aux Invalides, dont beaucoup mirent leur génie au service de la défense du territoire français ». Et là, on se demande bien de quels génies elle parle !

Depuis Napoléon 1er, l'Hôtel des Invalides est un lieu dédié à la gloire du militarisme français. Outre Napoléon 1er, qui a laissé des dizaines de milliers de cadavres derrière lui en menant ses guerres de conquête dans toute l'Europe, on y trouve aussi quelques autres « génies » : ainsi des généraux ou maréchaux honorés pour leur rôle dirigeant dans la boucherie que fut la Première Guerre mondiale, tels Foch ou Lyautey. Ce dernier s'était aussi illustré auparavant au Maroc, en réprimant notamment une insurrection en 1907, avant d'être nommé ministre de la Guerre en 1916-1917.

Mais surtout Bigeard pourrait y côtoyer un de ses prédécesseurs en Algérie, le général de Saint-Arnaud. Celui-ci commença ses faits d'armes en 1837 par le siège de Constantine qu'il prit rue par rue, maison par maison, y faisant un carnage. En 1851, envoyé en Petite Kabylie, il resta tristement célèbre par sa pratique des « enfumades », qui consistaient à mettre le feu dans des grottes où la population s'était réfugiée. « On ravage, on brûle, on pille, on détruit les moissons et les arbres » ; « on a jeté les Kabyles dans les ravins, on a brûlé de superbes villages et maintenant on coupe leurs oliviers », racontait-il dans ses lettres. Revenu en France, il s'enorgueillit d'avoir mitraillé la « canaille » parisienne qui s'opposait au coup d'État du 2 décembre 1852 de Napoléon III.

Si ses cendres étaient transportées aux Invalides, Bigeard serait donc à sa place. En revanche, il faudrait préciser à l'entrée du monument : « Ici reposent quelques-uns des massacreurs des peuples. »

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