Procès AZF -- Toulouse : Les vrais coupables seront-ils jugés ?09/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2258.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Procès AZF -- Toulouse : Les vrais coupables seront-ils jugés ?

Le jeudi 3 novembre s'est ouvert le procès en appel du directeur de l'usine et de la société Grande Paroisse AZF (filiale de Total). Il a lieu dans une salle de 1 000 places, avec une soixantaine d'avocats, 180 témoins cités et pas moins de 2 700 parties civiles.

Le 21 septembre 2001, l'explosion de l'usine AZF à Toulouse avait fait 31 morts, 2 500 blessés et 27 000 logements sinistrés. Total a assumé la « responsabilité civile » de l'explosion et affirme à qui veut bien l'entendre que les diverses indemnisations lui auraient coûté deux milliards d'euros, ce qui n'est pas grand-chose à côté des profits annuels accumulés par le trust pétrolier. Les seuls à avoir été indemnisés à la hauteur de leurs préjudices furent sans doute les commerces de centre-ville aux vitrines brisées, les entreprises avoisinantes, les collectivités locales et l'État pour les bâtiments publics endommagés. Quant aux sinistrés, ceux qui se sont organisés pour cela ont perçu les indemnisations qu'ils attendaient, avec des délais variables et bien des galères, mais les autres, les plus nombreux, ceux qui ne pouvaient attendre ou qui se sont trouvés seuls, désarmés face au représentant de Total qui leur proposait un chèque pour solde de tout compte, ont été la plupart du temps floués.

Et puis il y a ceux qui souffrent encore aujourd'hui de séquelles importantes liées à la catastrophe. Une enquête de la Caisse primaire d'assurance maladie, parue en septembre dernier et menée auprès d'un groupe de 3 006 personnes qui se trouvaient dans le secteur le jour de la catastrophe, souligne la persistance des troubles après l'explosion, tant au niveau psychologique qu'auditif. La situation s'est même aggravée comme le confirme l'enquête : « Une forte proportion de consommation de médicaments et de dépressions liés aux syndromes post-traumatiques (cauchemars, stress, stratégies d'évitement, insomnies...). Ceux-ci sont d'autant plus forts que les victimes sont fragilisées : proximité du lieu de l'explosion, perte d'emploi, perte du logement, personnes âgées, femmes seules, personnes défavorisées. » En fait, conclut l'enquête « AZF a accentué les handicaps sociaux ».

C'est dire que la « relaxe générale au bénéfice du doute » prononcée lors du procès de 2009 a été vécue comme une injustice de plus. La décision du tribunal a révolté nombre de victimes, pour qui le « doute » n'était justement pas possible. Le procès avait mis en évidence les manoeuvres et obstructions de la commission d'enquête interne constituée par Total, ainsi les « défaillances organisationnelles » et les « dérives », notamment dans la gestion des déchets et le recours à de nombreuses entreprises sous-traitantes non formées. Pour toutes ces raisons, le parquet avait fait appel de cette décision, suivi par des parties civiles.

Jeudi 3 novembre, il y avait beaucoup de monde à l'entrée du procès. Des sinistrés et leurs soutiens se sont regroupés sous la banderole « Total blanchi par la justice, ne laissons pas les profits faire la loi » de l'Association des sinistrés du 21 septembre. À leurs côtés, il y avait aussi des représentants de l'Union départementale CGT et de la fédération CGT-Chimie qui affirment dans leur tract : « Total et Grande Paroisse sont coupables d'avoir dissimulé les preuves, coupables de diviser les victimes : ils doivent être condamnés. » Il y avait aussi la banderole de l'association Mémoire et solidarité, qui prétend représenter les ex-salariés de l'usine tout en se solidarisant de fait avec les dirigeants de Total. Le porte-parole de cette association, ex-syndicaliste AZF, reprend sans vergogne le discours officiel de la direction du groupe : « On ne sait pas réellement ce qui s'est passé. »

Tous les ex-salariés AZF ne se reconnaissent pas dans ces divagations. Comme cet ouvrier d'AZF qui a déclaré : « Ceux qui se raccrochent encore, dix ans après, à un acte terroriste ou un événement extérieur à l'usine ne font qu'essayer de disculper Total de ses responsabilités. Ils ont contribué pendant toutes ces années à créer un fossé entre salariés et sinistrés, c'est-à-dire entre les victimes, en faisant semblant de croire que ce sont les travailleurs de l'usine qui étaient visés quand on attaquait Total. »

Le deuxième jour du procès, le procureur a finalement admis la recevabilité de la « citation directe » contre Total et Thierry Desmarest, son PDG de l'époque, jugée irrecevable en 2009. Le tribunal acceptera-t-il que Total et son PDG soient considérés comme des prévenus ? Ce ne serait que justice.

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