Grande-Bretagne : L'offensive patronale s'intensifie09/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2258.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne : L'offensive patronale s'intensifie

Alors que les dividendes versés par les entreprises britanniques retrouvent cette année leur niveau de 2008, avec un total estimé de 80 milliards d'euros, les annonces de baisses de salaire se multiplient dans les grandes entreprises.

Ainsi, dans le bâtiment, les huit plus grandes entreprises qui dominent le secteur, et qui sont maîtres d'oeuvre de grands chantiers de prestige tels que ceux des jeux Olympiques et des nouveaux gratte-ciel de la City, veulent imposer une baisse de salaire allant de 14 à 37 % aux électriciens de ces chantiers.

De leur côté, les 20 000 ouvriers du numéro un de l'automobile en Grande-Bretagne, la filiale locale du géant américain Ford, ont découvert une clause en petits caractères cachée dans le projet de contrat salarial qui leur était proposé cette année, prévoyant que les nouveaux embauchés toucheraient 20 % en moins à partir d'avril 2012 et qu'ils cesseraient de bénéficier de la retraite-maison à partir de l'année suivante.

D'autres entreprises ont recours à des biais plus retors. Par exemple, depuis des années la compagnie de chemin de fer East Coast, entreprise d'État de droit privé, tourne les accords salariaux en n'embauchant que des intérimaires, dont les salaires sont inférieurs de 37 % à ceux des travailleurs fixes. Or, depuis le 1er octobre, l'entrée en application de la directive européenne sur les intérimaires impose de leur appliquer les mêmes taux de salaire qu'aux travailleurs fixes faisant les mêmes tâches, après douze semaines de présence. Du coup, East Coast propose aux intérimaires sur des postes d'« agent de service » de postuler à un poste fixe d'« agent de soutien », créé spécialement pour l'occasion. Les deux postes comportent exactement les mêmes tâches, sauf que le salaire du deuxième est inférieur de 37 % à celui du premier... comme par hasard ! Ce qui permettra à East Coast d'avoir une main-d'oeuvre fixe à deux vitesses et, un jour ou l'autre, de n'avoir plus que des « agents de soutien ».

Une entreprise prestigieuse comme Jaguar Land Rover (JLR) a recours à une autre astuce, dans son usine de Halewood, dans le nord-ouest de l'Angleterre, où elle emploie 800 intérimaires, payés au salaire minimum, soit 25 % de moins que les ouvriers fixes faisant le même travail. Elle propose à ces intérimaires de renoncer volontairement à bénéficier de la directive, possibilité que prévoit sa version anglaise. En échange, JLR promet de garantir cinq jours de travail par semaine aux 300 premiers volontaires, deux jours aux 300 suivants, et... la porte pour les 200 qui ne se seront pas portés volontaires assez vite !

On pourrait ainsi multiplier les exemples. Dans les années 2008-2009, on avait déjà vu des entreprises de la construction mécanique et de l'automobile user du chantage à l'emploi pour imposer des baisses de salaire. Mais aujourd'hui ces menaces contre les salaires touchent des secteurs beaucoup plus variés et des entreprises plus importantes, et ceci à un moment où, en plus, le taux d'inflation atteint officiellement son niveau le plus élevé depuis vingt ans, à 5,6 %.

Néanmoins, contrairement à ce qui s'était passé en 2008-2009, ces attaques commencent à provoquer des réactions. À Londres, les électriciens du bâtiment organisent chaque semaine le blocage d'un grand chantier. À l'heure où nous écrivons, un vote sur la grève se déroule à l'usine Jaguar Land Rover de Halewood. Et chez Ford, où un vote sur le projet d'accord salarial est en cours, trois usines du groupe (sur sept) l'ont d'ores et déjà rejeté à de très fortes majorités et contre les consignes des appareils syndicaux, ce qui est inhabituel.

Début novembre, lors d'une interview télévisée, Bob Diamond, PDG de Barclays, la deuxième banque britannique, s'inquiétait des risques de « troubles sociaux » créés par la montée des inégalités sociales. Il se pourrait bien que, du fait de ces nouvelles attaques contre les travailleurs, les faits finissent par lui donner raison.

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