Bonus et dividendes : De fortes paroles pour ne rien changer09/11/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/11/une2258.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Bonus et dividendes : De fortes paroles pour ne rien changer

François Fillon a invité les présidents des principales banques françaises « à la plus grande modération » concernant les bonus et les dividendes versés à leurs dirigeants et à leurs actionnaires. Il ne faisait que traduire, une fois encore, les critiques que Sarkozy a adressées aux banques depuis deux ou trois ans. Cela fait trois ans en effet que le gouvernement et les instances européennes reprochent aux banques leurs largesses envers leurs cadres et leurs dirigeants.

Ainsi à l'automne 2008, après l'affaire du trader Jérôme Kerviel, qui avait dit-on fait « perdre » cinq milliards à la Société générale, et après aussi la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, Sarkozy prenait un ton sévère : « Il faut réglementer les banques pour réguler le système. Ce qu'il faudra, dans l'avenir, c'est contrôler beaucoup mieux la façon dont elles font leur métier, la manière dont elles évaluent et dont elles gèrent leurs risques, l'efficacité de leurs contrôles internes. » C'était juste avant de garantir jusqu'à 320 milliards de prêts interbancaires et de mettre à leur disposition 40 milliards d'euros.

En janvier 2009, Sarkozy et sa ministre de l'Économie Christine Lagarde reprenaient le même thème, proclamant qu'il y aurait des contreparties à leur soutien, notamment sur les dividendes et sur les rémunérations des dirigeants : « Les banques ont des engagements à tenir vis-à-vis des acteurs économiques et vis-à-vis des Français. » Seuls deux dirigeants de la BNP renoncèrent à leurs bonus de l'année, et tout continua comme avant.

En septembre 2009, Sarkozy prétendait imposer des règles aux bonus des traders et chargeait Camdessus, l'ancien directeur du Fonds monétaire international, d'en surveiller l'application. En novembre Lagarde précisait ces règles : les bonus ne devaient plus être garantis au-delà d'un an, ils seraient réduits en cas de mauvaises performances, de toute façon leur versement serait étalé sur trois ans et la moitié serait en actions. On apprenait alors que la BNP avait provisionné 3,2 milliards pour les bonus, et qu'aux États-Unis ils atteindraient 140 milliards de dollars, plus qu'avant la crise de 2008.

En octobre 2010 c'était l'Europe qui prétendait imposer le même type de limitations : partie en cash réduite à 30 ou même 20 % pour les bonus les plus élevés, et versement étalé sur trois ans. La députée rapporteuse de la directive assurait : « Il est temps de changer fondamentalement la culture des bonus. Cette limite est essentielle pour réduire les incitations à prendre des risques excessifs. » Mais bien sûr il revenait à chaque État de préciser et de faire appliquer ces mesures, sans parler de ce qui était confié au bon vouloir des banques elles-mêmes.

S'agissant des dividendes monstrueux versés aux actionnaires, seul Sarkozy a fait semblant de proposer de les réduire, quand il a parlé de diviser en trois les profits des entreprises : un tiers pour les investissements, un tiers pour les salariés, un tiers pour les actionnaires. Mais c'était juste pour causer. Il sait trop bien que seuls les gros actionnaires ont droit de décision en la matière.

Et même concernant les bonus, deux ans, trois ans après les nouvelles réglementations qui devaient être appliquées avec sévérité, faute de quoi l'État laisserait tomber les banques contrevenantes, rien ne semble avoir changé. En tout cas, c'est ce qu'il faut conclure des rappels à l'ordre qu'agitent actuellement Sarkozy et Fillon.

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