Face au Luxembourg : L'union sacrée derrière Sarkozy et Hortefeux06/10/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/10/une2201.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Face au Luxembourg : L'union sacrée derrière Sarkozy et Hortefeux

Rendue publique un mois plus tard, la circulaire du ministère de l'Intérieur du 5 août affirmant que « 300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués d'ici trois mois, en priorité ceux des Roms », avait suscité quelques malaises au sein de la majorité. Pendant qu'Éric Besson affirmait qu'il n'était pas au courant, Xavier Bertrand déclarait à propos de ce texte- : il « est la traduction de notre politique et je l'assume tout à fait »... Et Hortefeux s'empressait tout de même de le réécrire en retirant toute référence explicite aux Roms, ce qui bien évidemment n'enlevait rien au fait qu'un texte officiel fixait des objectifs politiques en fonction de l'origine ethnique des gens visés.

Viviane Reding, Luxembourgeoise et commissaire européenne à la justice, avait protesté contre cette politique, en affirmant : « Je ne peux que regretter profondément que des garanties politiques m'ayant été données par deux ministres français soient désormais ouvertement contredites par une circulaire administrative délivrée par le même gouvernement » ; ajoutant : « J'ai été personnellement interpellée par des circonstances qui donnent l'impression que des personnes sont renvoyées d'un État membre (de l'UE) juste parce qu'elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale. »

La Seconde Guerre mondiale n'avait pas seulement connu le massacre de millions de personnes, Juifs ou Tziganes, à cause de leur origine ethnique. Elle avait aussi été marquée par le drame des personnes déplacées : rescapés juifs des camps de concentration qu'aucun pays ne voulait accueillir, Allemands des Sudètes ou des territoires cédés à la Pologne contraints de quitter les lieux où leurs familles avaient parfois vécu depuis des générations, habitants de l'Europe de l'Est victimes des déplacements de frontières en fonction de leur origine ethnique.

En ce sens, l'observation de Viviane Reding ne manquait pas de fondement. Le gouvernement français et ses supporters ont bien sûr choisi de pousser des cris d'indignation, en faisant mine de croire que la commissaire européenne comparaît le gouvernement français aux nazis; Sarkozy proposant finement au Luxembourg d'accueillir les Roms, le sénateur UMP Mariani déclarant encore plus finement : « J'aurais préféré (...) que le Luxembourg n'existe pas. » Et quand Viviane Reding a exprimé des regrets à propos des « interprétations » qui ont été faites de ces propos, pour Sarkozy, suivi par toute une partie de la presse, elle avait présenté « des excuses ».

Il n'est bien sûr pas étonnant que la quasi-totalité des députés et sénateurs de l'UMP aient suivi le duo Sarkozy-Hortefeux sur ce terrain, en embouchant le clairon nationaliste : « Ce n'est pas comme ça qu'on s'adresse à un grand État comme la France qui est la mère des droits de l'homme, qui est un pays fondateur de l'Union », a déclaré par exemple le secrétaire d'État aux Affaires européennes Pierre Lellouche, comme si cette « mère des droits de l'homme » n'avait pas été aussi un pays esclavagiste jusqu'en 1848, et n'avait pas organisé les pires répressions coloniales. Et quasiment toute la presse de reprendre à son compte, avec ou sans guillemets, l'idée que Viviane Reding avait commis un « dérapage » et qu'elle avait présenté ses excuses.

C'est que, quand il s'agit de politique étrangère, l'Union sacrée apparaît à tous ces gens-là comme devant aller de soi, et qu'à partir du moment où ce qu'ils appellent « l'honneur national » est en jeu, leur vue se brouille.

Ne pleurons pas sur le sort de Viviane Reding, c'est une femme politique au service du système capitaliste, qui plus est une diplomate, et nous la verrons sans doute un jour prochain sabler le champagne avec Sarkozy et Hortefeux.

Mais quand ce dernier, après la mise en examen du gendarme qui avait suscité la colère des gens du voyage à Saint-Aignan en abattant l'un des leurs, publie un communiqué assurant celui-ci, et toute la gendarmerie de sa solidarité, au mépris d'une décision de justice, il est bien dans la ligne du Papon de 1961, couvrant toutes les exactions des forces de police contre une manifestation pacifique d'Algériens, du Papon qui entre 1942 et 1944 avait organisé la déportation des Juifs de Bordeaux.

Décidément, entre la politique actuelle de la Cinquième république et celle de Vichy, il y a plus d'une ressemblance.

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