Iles Malouines : Une odeur de pétrole05/05/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/05/une2179.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Iles Malouines : Une odeur de pétrole

Depuis la fin février, les îles Malouines sont de nouveau au centre d'un conflit entre la Grande-Bretagne, puissance occupante depuis 1833, et l'Argentine. Celle-ci revendique depuis longtemps, et à juste titre, ce petit archipel situé au large de ses côtes, ainsi que les archipels voisins de la Géorgie du Sud et des Sandwich du Sud, eux aussi occupés par la Grande-Bretagne.

À l'origine du conflit actuel se trouve une plate-forme d'exploration pétrolière britannique, dont la mise en place au large des Malouines fait figure de provocation, alors que Londres s'est engagé à se soumettre à un arbitrage en cours d'élaboration des Nations unies sur le partage des ressources naturelles des archipels.

En fait, cela fait longtemps que la question du pétrole des Malouines, et plus généralement des ressources naturelles des fonds marins entourant les trois archipels, sous-tend la politique de Londres et ses relations avec l'Argentine.

La découverte de larges ressources pétrolifères dans ces fonds remonte à 1969, année où elle fut évoquée pour la première fois au Conseil des ministres britannique. La forte hausse des cours pétroliers, au début des années 1970, provoqua une bousculade des compagnies pétrolières pour obtenir des concessions. Mais le gouvernement travailliste d'alors, préférant parvenir au préalable à un accord de répartition de ces richesses avec l'Argentine, décida d'en bloquer l'exploitation et d'entamer des négociations avec Buenos Aires.

Ces négociations étaient sur le point d'aboutir, lorsqu'en avril 1982 la dictature militaire argentine du général Galtieri voulut redorer son blason en envahissant les trois archipels. Galtieri avait sans doute calculé que la Grande-Bretagne ne se risquerait pas à une riposte militaire à 14 000 kilomètres de ses côtes, pour défendre les 1 500 fermiers de la Falklands Islands Company et leurs 500 000 moutons, qui constituaient toute la population des Malouines. Mais mal lui en prit. Car non seulement le Premier ministre britannique d'alors, Margaret Thatcher, avait elle aussi fort besoin de détourner l'attention de son propre électorat des effets d'une récession qui le touchait durement, mais l'impérialisme anglo-américain entendait bien montrer qu'il ne laisserait pas modifier sans réagir le statu quo à ses dépens. Et cela d'autant moins que l'on savait désormais que les réserves pétrolifères marines des Malouines étaient équivalentes à celles de la mer du Nord.

Thatcher envoya donc une puissante expédition navale, qui bénéficia de l'aide logistique de l'armée américaine. En juin 1982, les troupes anglaises reprirent les archipels, après des combats au corps à corps qui firent un millier de morts de part et d'autre. Et toute perspective de négociation avec l'Argentine sur l'exploitation des fonds marins des Malouines fut abandonnée.

Des prospections furent entreprises, par Shell en particulier, avec des résultats mitigés : les techniques d'exploitation marine étaient chères et le cours du pétrole pas assez élevé pour les rendre rentables. Mais la hausse brutale du cours du pétrole de ces dernières années a changé les données du problème. Et si, aujourd'hui, les grandes compagnies s'abstiennent encore de prospecter dans la région, du fait des risques politiques, certaines se sont assuré des concessions (comme le géant australien BHP-Billiton), tandis que de petits opérateurs se risquent à prospecter sous protection britannique.

La politique britannique aux Malouines est très bien résumée par ce commentaire embarrassé d'un responsable de la diplomatie britannique dans les années 1930 : « L'annexion des Malouines en 1833 a été tellement arbitraire aux yeux de l'opinion actuelle qu'il n'est guère aisé de prétendre qu'elles nous appartiennent sans apparaître comme des brigands internationaux ». Des « brigands internationaux », c'est ce que sont les puissances impérialistes. Et si le conflit actuel n'en est pas encore à déclencher une nouvelle guerre, c'est quand même la menace de la canonnière qui perdure dans ce qui reste de leur pré carré.

Partager