Marée noire en Louisiane : Société à irresponsabilité illimitée05/05/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/05/une2179.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Marée noire en Louisiane : Société à irresponsabilité illimitée

« BP est responsable, BP paiera », a dit Obama en se rendant sur les côtes du golfe du Mexique, menacées par une gigantesque marée noire due à l'explosion d'une plate-forme BP située à 60 km au large de la Louisiane.

BP est certainement responsable et paiera peut-être, dans très longtemps, après moult procès, et pas grand-chose au regard des dégâts causés et des bénéfices encaissés, si on en juge d'après les autres affaires de ce genre. Par exemple, en mars 2010 la cour d'appel de Paris a statué sur le naufrage en décembre 1999 de l'Érika, un pétrolier affrété par Total. Pour 400 km de côtes polluées, Total a été condamné à 200,6 millions d'euros d'amende, moins de 2 % de ses profits en 2009, et dégagé de toute responsabilité civile.

Mais les tribunaux et les amendes sont loin d'épuiser la question. Les familles des onze travailleurs qui sont morts dans l'explosion de la plate-forme BP, et que la presse a vite oubliés, seront certainement indemnisées, car la mort des travailleurs entre dans les calculs des assureurs. Mais s'il faut contraindre BP à payer, il faudrait aussi se demander comment se prémunir contre de telles catastrophes à répétition.

Depuis des années, BP a supprimé des milliers d'emplois pour faire des milliards d'euros de profits supplémentaires, en jurant qu'il ne sacrifiait pas la sécurité de ses installations. Pourtant, après l'explosion d'une raffinerie BP au Texas en 2005, l'enquête officielle avait conclu au défaut de maintenance et d'investissement. La direction demandait aux travailleurs de « foncer jusqu'à ce que ça casse ». Quinze d'entre eux en étaient morts. BP, comme tous les grands groupes capitalistes, a depuis continué sa politique d'économies, tablant sur trois milliards d'euros supplémentaires ainsi versés aux actionnaires en 2009. Qui dira quelle économie, sur quelle partie de la plate-forme, sur le salaire ou l'emploi de quel travailleur, sur le contrat de quel sous-traitant, a été la cause de l'explosion ?

Mais on peut aussi se poser une autre question : l'exploitation de tous les gisements sous-marins situés en grande profondeur est-elle, au regard des difficultés et des risques encourus, une nécessité ? Cette question, les pétroliers ne se la posent pas. Pour eux, seul compte le fait que les forages offshore sont rentables, et même de plus en plus rentables avec la hausse du cours du pétrole. Tellement rentables même que, sous la pression des compagnies pétrolières, le gouvernement d'Obama vient d'autoriser de nouveaux forages en mer. Il y a trois semaines, une plate-forme exploitée par BP, Shell et Chevron a commencé à extraire du pétrole par 2 500 mètres de fond, 1 000 mètres de plus que celle qui vient d'exploser, le record pour un forage offshore. Mais que se passera-t-il en cas d'accident ?

Les compagnies pétrolières prennent ces risques sans avoir la moindre idée des solutions à apporter en cas de marée noire. Plus de quarante ans après le naufrage du Torrey Canyon, la première marée noire, on en est toujours à la pelle de chantier et au ramassage de boulette sur les plages.

Le soi-disant « principe de précaution » semble s'appliquer à tout, sauf à la recherche du profit. C'est pourtant la cause principale des catastrophes qui s'abattent sur la planète, ne serait-ce que parce qu'elle empêche l'humanité d'évaluer réellement ses besoins, d'exploiter rationnellement les possibilités naturelles et techniques en ne prenant que les risques calculés et, surtout, nécessaires.

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