Coup de colère chez Airbus05/05/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/05/une2179.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Coup de colère chez Airbus

Chez Airbus, 498 avions ont été livrés en 2009 (record historique) et il y a pour six ans de travail au moins. De plus, avec le plan de suppressions d'emplois Power 8, les conditions de travail se sont dégradées. Alors, lorsque la direction d'Airbus France, qui regroupe les usines de Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire, a pour 2010 annoncé 1,5 % d'augmentation (incluant les augmentations générales et les augmentations individuelles), le sentiment qu'on se moquait des travailleurs était largement partagé.

A TOULOUSE

Le lundi 19 avril, l'intersyndicale réunissant FO, CGC, CFTC, CGT et CFDT a appelé à maintenir la pression pour faire aboutir les revendications : 3,5 % d'augmentation (incluant augmentations générales et individuelles), l'embauche des intérimaires, des apprentis, des CDD, les primes d'intéressement et de participation à la hauteur de celles accordées dans les autres filiales EADS. Le mouvement a été suivi avec succès dans les ateliers.

Vendredi 23 avril, l'intersyndicale appelait à débrayer 1 heure 30, alors que se tenait avec la direction la deuxième réunion sur les salaires. Des milliers de travailleurs ont débrayé et se sont rassemblés devant le bâtiment direction. Le site de Toulouse compte 11 000 personnes dont 1 700 ouvriers répartis entre les chaînes d'assemblage A320, A340-A330, A380, et l'usine de fabrication des mâts réacteurs à Saint-Éloi. Il faut ajouter 5 000 ingénieurs à Airbus Siège. La manifestation qui a suivi, jusqu'au rond-point La Crabe, a été importante.

La direction a lâché 0,4 % de plus et 557 euros en guise de prime d'intéressement.

Ces propositions ayant été jugées insuffisantes, l'intersyndicale a décidé, lundi 26 avril, d'empêcher le déchargement des Bélugas, ces avions qui amènent des quatre coins de l'Europe les tronçons d'avions à assembler. Pour ce faire, elle appelait à la grève chaque chaîne un jour différent et les travailleurs des bureaux le dernier jour de la semaine, et elle demandait aux travailleurs de se retrouver à chaque fois, au bâtiment C40, lieu de déchargement des Bélugas. Elle organisait également des collectes dans tous les selfs, notamment pour soutenir la vingtaine de travailleurs du C40, les seuls qui seront en grève toute la semaine.

Aucune assemblée générale n'a été organisée pour nous demander notre avis.

Dès midi, les travailleurs de la chaîne A340-A330 (y compris des sous-traitants nettoyeurs avion) sont allés devant le bâtiment C40. Le bâtiment étant bloqué, les Bélugas n'ont pas été déchargés et les chaînes n'ont plus été approvisionnées !

Mardi, c'était au tour de la chaîne A320. Les bâtiment M91, M15 étaient complètement vides. Du jamais vu ! Devant le C40, un écran géant a été installé, sur lequel les travailleurs ont pu suivre l'actualité et copieusement huer le DRH interviewé par France3, quand il a osé parler des salaires à 2 000 euros.

Mercredi, ce sont les ouvriers de la chaîne A380 qui ont fait grève et sont venus au point de rendez-vous, le C40.

Le lendemain, les ouvriers de Saint-Éloi, qui piaffaient d'impatience depuis le début, sont tous venus ou presque. Des tentes ont même été installées tout à côté, pour améliorer le confort des grévistes la nuit.

En tout cas, faire grève 8 heures sur le lieu de travail, et pas simplement une manifestation sur les rocades de Toulouse, c'était nouveau pour la plupart des travailleurs. Même les anciens qui ont connu la grève de 1974 n'en revenaient pas.

Vendredi 30 avril, quand les ingénieurs du Bureau d'études, du siège, les informaticiens... sont arrivés, c'était noir de monde. Et c'est là que le dirigeant de l'intersyndicale est venu annoncer que, la direction convoquant les syndicats pour rediscuter salaires mardi 4 mai, le blocus du bâtiment C40 était levé. Il y a eu des sifflets mais aussi des applaudissements, tandis que beaucoup restaient perplexes.

La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre dans les ateliers, et là l'incompréhension, la colère, l'amertume fusaient. Certains avaient préparé le sac de couchage pour passer le week-end à l'usine. Des délégués se sont fait prendre à partie. En effet, pourquoi arrêter le mouvement et pourquoi n'y a-t-il pas eu une assemblée générale où on aurait pu justement décider, tous ensemble, de la suite à donner ?

Lundi 3 mai, la reprise s'est faite dans une ambiance plutôt à l'expectative...

Correspondant LO

À NANTES

L'usine emploie 2 000 personnes, dont 1 000 à la production, qui fabriquent en majorité la partie centrale de tous les Airbus.

Vendredi 23 avril, à l'appel d'une intersyndicale regroupant FO, CGC, CFTC (majoritaires), la CGT et la CFDT, 600 salariés de l'usine ont débrayé deux heures. Ils se sont ensuite rendus en manifestation à l'aéroport tout proche, pour faire pression comme à Toulouse sur les négociations salariales en cours.

À la fin de la manifestation, le secrétaire du Comité d'entreprise a annoncé qu'il tiendrait les salariés informés par voie d'affichage de la suite du mouvement décidé par l'intersyndicale.

Lundi 26 avril, à l'appel de l'intersyndicale, l'atelier des outils coupants, de la peinture et l'atelier du A320 (ce dernier sur proposition de la CGT) étaient bloqués par un mot d'ordre de grève. Un soutien financier sur l'ensemble de l'usine était par ailleurs proposé pour aider les grévistes concernés.

Le lendemain, à l'initiative de délégués CGT, des salariés d'autres secteurs de l'usine, non concernés par les blocages et appelés seulement à une solidarité financière, se sont regroupés devant les locaux du Comité d'entreprise. Ils ont décidé de débrayer à leur tour et de défiler dans les ateliers aux cris de « Tous ensemble, tous ensemble ! » pour convaincre les hésitants de se joindre au mouvement. C'est ainsi que deux cents travailleurs, venus de tous les secteurs de l'usine, se sont retrouvés dans une très bonne ambiance à l'atelier du A320, pour soutenir ceux qui bloquaient la production.

Après discussion, le mouvement a été reconduit sous forme de deux heures de grève matin et après-midi, et en fin de poste pour l'équipe de nuit. La CGT et la CFDT ont soutenu cette décision, mais pas par le reste de l'entente (FO, CGC, CFTC), qui ne tenait pas à élargir le mouvement de grève à l'ensemble de l'usine.

Mercredi 28 avril, le débrayage de deux heures à l'atelier du 320 a regroupé plus de monde, surtout le matin. Les discussions allaient bon train pour dire qu'il fallait continuer jeudi, car de plus en plus de travailleurs débrayaient, et même des syndiqués FO, qui ne se contentaient plus des blocages décidés par leur propre direction à la Peinture et à l'atelier des outils coupants. À la fin de ce débrayage, il fut décidé de voter la continuation du mouvement, à la grande majorité des présents, sous le regard affligé de tout le gratin de la direction écoutant et surveillant de très près ce qui se passait.

À l'assemblée du jeudi 28 avril, une grosse majorité des grévistes était pour une heure de grève le lendemain, tandis que d'autres préféraient le blocage des portes d'entrée. L'intersyndicale proposait pour sa part une opération usine morte, ce qui revenait à dire aux travailleurs de rester chez eux en congé ou en grève. Finalement la proposition d'une heure de grève a été majoritaire.

Vendredi, on apprenait qu'à Toulouse la direction proposait la réouverture des négociations pour mardi 5 mai et que l'intersyndicale appelait à reprendre le travail le jour même en attendant mardi. Lundi, l'intersyndicale nous informait que tout était suspendu aux négociations de mardi et que l'on serait tenu au courant de la suite à donner. La CGT (seule pour l'instant) appelle à une assemblée générale mercredi matin.

On en est là pour l'instant. Mais quelle que soit l'issue de ce conflit, il a d'ores et déjà redonné le moral à nombre de travailleurs qui se souviennent qu'en 2007 c'est par la grève qu'ils avaient obtenu 800 euros de prime que la direction ne voulait pas lâcher au départ.

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