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- Lutte ouvrière n°2153
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Afghanistan - Karzaï réélu par défaut : Un président affaibli et une situation aggravée
En annonçant le 1er novembre qu'il ne participerait pas au second tour de l'élection présidentielle afghane, Abdullah Abdullah, concurrent du président sortant Hamid Karzaï, a finalement simplifié la réélection de celui-ci. Mais, avec les fraudes massives constatées au premier tour et ce refus de participer au second, faute de garantie que de nouvelles irrégularités ne seraient pas commises, le bénéfice politique que Karzaï et ses protecteurs occidentaux espéraient tirer de cette réélection a été réduit à néant.
Même si les élections s'étaient déroulées plus normalement, elles n'auraient évidemment pas suffi à résoudre les problèmes auxquels la population afghane est confrontée. Les États-Unis avaient dû faire pression sur Karzaï pour qu'il accepte un second tour d'élection. Livré à lui-même, il se serait proclamé vainqueur même sans atteindre le seuil des 50 % ! Huit ans de guerre et d'occupation militaire des États-Unis et de leurs alliés, dont la France, n'ont pas transformé ce seigneur de guerre en un démocrate modèle.
Karzaï n'est à la tête de l'Afghanistan que par la grâce des États-Unis et de l'OTAN, qui le soutiennent, ainsi que quelques autres seigneurs de guerre qui jouent les supplétifs des troupes impérialistes, moyennant dollars. Le New York Times vient de révéler que le propre frère du président afghan, soupçonné par ailleurs d'être un narco-trafiquant, émarge à la CIA. Et il n'est pas le seul. Plusieurs seigneurs de guerre vendent leurs services aux troupes impérialistes, notamment pour sécuriser les routes des convois militaires. Ces services payés au prix fort font parfois l'objet d'étranges deals. Ainsi, pour décrocher un tel contrat, un seigneur de guerre n'a pas hésité à monter les enchères en faisant sauter un entrepôt des troupes américaines !
Face à une insurrection qui gagne du terrain, les États-Unis viennent de décider de mettre en place un programme déjà testé en Irak et ayant permis quelques ralliements. Il consiste à offrir de l'argent aux combattants repentis qui cesseraient de participer à l'insurrection, y compris aux talibans. Mais Obama réserve encore sa réponse pour ce qui est de l'envoi des 40 000 soldats supplémentaires demandés par l'état-major américain (ce qui porterait à 107 000 le nombre de soldats US déployés en Afghanistan). Il faut dire qu'il y a de quoi hésiter puisque certains hauts gradés de l'armée US ont eux-mêmes déclaré que si Karzaï ne rétablit pas sa légitimité, l'envoi de troupes supplémentaires ne pourra ni sauver son régime, ni permettre de vaincre les insurgés.
Le président américain Obama vient donc d'inviter Karzaï à agir « bien plus sérieusement » pour mettre un terme à la corruption. Il lui demande d'écrire « un nouveau chapitre fondé sur une gouvernance améliorée ». Karzaï est donc invité à transformer l'État corrompu qu'il dirige en un État qui ait au moins l'air d'être utile à la population. Il lui faut surtout tenter de trouver pour son gouvernement un semblant de consensus de la part des différents clans et tribus qui lui sont opposés. Il a donc annoncé que le prochain gouvernement sera plus ouvert et aura pour but que « personne ne se sente tenu à l'écart du processus et que tous en seront partie prenante ». Il a même proposé à ses « frères talibans » de rentrer au pays pour participer à un gouvernement d'union nationale. À quoi les « frères » ont répliqué qu'ils n'entendaient pas traiter avec la « marionnette de l'Occident ».
Obama a aussi demandé à Karzaï d'accélérer « la formation des forces de sécurité afghanes », à qui les troupes d'occupation aimeraient confier la tâche de tenir en échec les différents groupes armés, talibans et autres, insurgés contre les occupants... mais aussi contre leur allié de Kaboul. La tâche est d'autant moins facile que la présence de troupes étrangères alimente dans la population un sentiment d'hostilité croissante. Le programme assigné par Washington au président réélu a évidemment bien peu de chances d'aboutir. On ne voit pas en effet pourquoi Karzaï réussirait mieux au cours de son second mandat ce qu'il n'a pas pu faire au premier.
Obama continue à faire semblant de croire qu'il pourra progressivement retirer ses troupes pour remettre le pouvoir à un État restauré, ami des États-Unis et dirigé par Karzaï. Mais presque tous les jours de nouveaux attentats ou opérations militaires démontrent que l'autorité de celui-ci ne s'étend vraiment qu'à des portions de plus en plus restreintes de Kaboul et de quelques grandes villes.
Ce qui se déroule en Afghanistan, et maintenant à la frontière pakistano-afghane, est une guerre que les États-Unis et l'OTAN semblent de moins en moins en état de gagner. Les troupes US, françaises et autres ne sont pas près de pouvoir se sortir du bourbier afghan.