Dunlop - Amiens : Grève spontanée04/11/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/11/une2153.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Dunlop - Amiens : Grève spontanée

Un mouvement a commencé mardi 27 octobre à l'usine Dunlop d'Amiens. Les ouvriers de l'équipe d'après-midi ont débrayé trois heures en exigeant une réunion pour discuter de la nouvelle réorganisation du travail.

Les salariés étaient impatients d'en connaître les détails, notamment afin de pouvoir poser leurs dates de congés. La direction avait accédé à leur demande mais laissait planer le flou le plus total dans ses réponses. Néanmoins, le peu de détails qu'elle laissait filtrer sur les jours de repos a mis le feu aux poudres : seulement douze jours par an pourraient être choisis par les salariés, le reste dépendrait du bon vouloir du patron et des aléas de la production.

Ce qui a choqué fut également la présentation par la direction des sommes versées pour sponsoriser le club de foot et la Maison de la culture d'Amiens. Les ouvriers disposeraient ainsi de places à tarif réduit pour des événements... auxquels ils ne pourront jamais assister du fait de leurs nouveaux horaires ! Tout cela intervient alors que Goodyear, numéro un mondial du pneu, vient d'annoncer un bénéfice de 72 millions de dollars pour le troisième trimestre 2009. Quelques ouvriers se sont alors levés, imités bientôt par tous les travailleurs présents. Excédés, ils ont tous brusquement quitté la salle pour aller bloquer les portes de l'usine, entamant ainsi une grève reconductible de cinq jours.

Cette usine d'un millier d'ouvriers jouxte celle de Goodyear et fait partie du même groupe. La direction du groupe n'avait pas réussi à imposer une organisation dite en « 4x8 » chez Goodyear mais avait obtenu l'accord du syndicat majoritaire CGT pour l'usine Dunlop, et ce en dépit de l'opinion des travailleurs. Un référendum organisé par la direction avait établi l'opposition de trois quarts des ouvriers, malgré le traditionnel chantage à la fermeture de l'usine. La direction de la CGT de Dunlop avait alors été exclue de la Confédération et avait adopté l'étiquette de l'Unsa. Mais la signature de l'accord étant acquise pour la direction, les ouvriers commençaient dès les premiers jours de 2009 à subir les 4x8.

Alors, les trois équipes de semaine et celle du week-end étaient remplacées pour l'ensemble des ouvriers par le rythme suivant : deux jours de travail du matin, deux jours d'après-midi, puis deux journées de nuit et enfin deux jours de repos, un rythme extrêmement éprouvant. La récupération physique et la vie de famille ont été rapidement dégradées et au bout de dix mois, les travailleurs sont épuisés. Ils sont de plus en plus massivement absents. Les objectifs de production sont loin d'être atteints.

On comprend la colère des ouvriers de toutes les équipes qui ont, exception faite des intérimaires et des employés des bureaux, mis à mal le portail de l'entrée principale de l'usine, abattu tous les arbres alentour afin de bloquer la route qui traverse la zone industrielle et chassé le responsable du syndicat UNSA venu leur conseiller de reprendre le travail.

Le tribunal a pris parti de façon quasi instantanée pour les patrons en assignant en justice le lendemain dix travailleurs désignés par la direction et en imposant le déblocage des accès de l'entreprise. La grève a néanmoins continué avec comme revendication principale une augmentation des repos. Ce sont des organisations syndicales minoritaires, notamment SUD, qui s'est solidarisé avec la grève, qui ont entamé les négociations avec la direction, loin de l'usine comme celle-ci le souhaitait.

Cette grève décidée et organisée par les travailleurs sans les principales organisations syndicales reflète une exaspération qui touche d'ailleurs tous les ouvriers de la zone industrielle, où les plans de licenciements se multiplient. Les 1 600 ouvriers de l'usine soeur de Goodyear (850 licenciements annoncés) ont organisé différentes journées de grève massives, et ont souvent manifesté avec les travailleurs de Continental.

Le travail avait repris lundi 2 novembre mais le syndicat SUD appelait à un rassemblement le lendemain pour soutenir les dix « meneurs » désignés par la direction et mis à pied de façon conservatoire. La direction n'a pour ainsi dire rien lâché : à peine une augmentation de la prime de vacances de 50 euros et aucun aménagement du temps de travail. L'exaspération des travailleurs explosera fatalement de nouveau, et la spontanéité de ce dernier mouvement n'est pas sans inquiéter les patrons qui, jusqu'à présent, pensent que la modération de la direction syndicale majoritaire serait une garantie.

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