Turkie - AKP : Le procès est fini... l'affrontement continue18/09/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/09/une2094.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turkie - AKP : Le procès est fini... l'affrontement continue

La Cour constitutionnelle qui a examiné la question de l'interdiction de l'AKP a rendu le 30 juillet le jugement le plus rapide de son histoire. Parmi ses onze membres, six ont voté pour l'interdiction, quatre n'ont demandé que la suppression de la moitié des subventions versées par l'État à l'AKP, et un a voté contre l'interdiction. Il aurait fallu sept voix pour que l'AKP soit interdit, et celui-ci ne l'a donc pas été.

Les différents milieux politiques qui s'opposent à l'AKP et voudraient chasser ce parti du pouvoir, n'arrivant pas à le faire par des moyens politiques, ont tenté de le faire par la voie juridique, mais c'est donc sans succès. Le Premier ministre Erdogan juste après le jugement a pu déclarer que son parti en était sorti renforcé, tout comme il était sorti renforcé des dernières élections législatives, en juillet 2007.

La période du procès aura permis de voir le point de vue des différentes forces. Des intellectuels allant de la gauche aux libéraux ont déclaré que la décision finale était un succès pour la démocratie, tout comme d'ailleurs la liberté de porter le foulard islamique que défend l'AKP. Comme si l'AKP s'était soucié plus que les autres partis de la démocratie pour les travailleurs et pour le peuple, kurde en particulier ! La Constitution imposée après le coup d'État militaire du 12 septembre 1980 reste toujours en vigueur et les travailleurs qui réclament leurs droits ou bien manifestent continuent à subir la violence policière ; le peuple kurde, qui veut bénéficier de ses droits culturels et sociaux, continue à subir une répression sanglante. (...)

L'AKP avait également envisagé de provoquer des élections anticipées. En vue de cela il a même proposé une nouvelle loi stipulant pour les parlementaires le droit à la retraite au bout d'un an et le doublement des salaires pour ceux qui seraient élus une deuxième fois. En effet le Parlement compte 274 parlementaires dont c'est le premier mandat et, d'après les lois actuelles, un parlementaire doit exercer pendant au moins deux ans avant de bénéficier du droit à la retraite. Les députés, qui estiment que les travailleurs doivent totaliser au moins 7 200 jours d'activité avant de bénéficier d'une retraite (depuis la dernière réforme des retraites - NdT), trouveraient juste que eux puissent somnoler tranquillement au Parlement et simplement lever la main pour voter selon les directives, et ensuite avoir droit à la retraite au bout d'un an.

En fait l'interdiction de l'AKP n'était souhaitée ni par les États-Unis, ni par l'Union européenne. Ceux-ci ont investi beaucoup de capitaux en Turquie et veulent continuer à le faire. Pour l'instant, c'est le gouvernement de l'AKP qui leur semble le meilleur gage de stabilité et le meilleur protecteur de leurs intérêts. Ni le capital étranger ni les capitalistes turcs n'avaient intérêt à ce que l'AKP soit interdit, et c'est sans doute la raison de cette décision, qui répond à leurs souhaits.

Le parti social-démocrate CHP, rival de l'AKP pour le pouvoir et qui a tenté de le faire interdire, prétend que c'était pour défendre la laïcité. Son président Baykal considère d'ailleurs que le jugement de la Cour constitutionnelle a en fait approuvé ses thèses. Un autre défenseur de l'interdiction était l'armée, une armée qui veut garder ses prérogatives politiques et aussi pouvoir continuer à bombarder les campagnes du Kurdistan. Mais on sait que des rencontres secrètes ont eu lieu entre les généraux et Erdogan, débouchant entre eux sur une certaine entente.

Avec de tels défenseurs, l'interdiction de l'AKP n'aurait en tout cas été une victoire ni pour les peuples turc et kurde ni même pour la laïcité et la liberté des femmes (...).

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