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- Lutte ouvrière n°2094
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Dans le monde
Turquie : Le rideau de fumée du procès contre Ergenekon
Parmi les personnes arrêtées dans le cadre de la procédure contre l'organisation Ergenekon figure l'ex-général Veli Küçük, qui bénéficiait de la protection de l'armée bien que son nom ait été cité lors d'un scandale comme celui de Susurluk (qui a révélé il y a quelques années la collusion entre certains politiciens, les milieux de la police et les milieux mafieux - NdT) ou à propos d'assassinats commis contre des Kurdes et d'autres faits crapuleux.
Beaucoup pensent que ce procès pourrait être un pas important sur la voie de la démocratie. D'après eux, par de tels procès l'AKP va barrer la route à d'éventuels nouveaux coups d'État militaires et contribuer à instaurer une démocratie à l'occidentale. Pourtant, dans toutes les accusations contre Ergenekon citées devant la justice, l'armée et la police n'ont nullement été mises en cause.
Qu'ils s'appellent Ergenekon ou autrement, ces exécuteurs des basses oeuvres de l'État agissent ou ont agi sous sa protection. Ils ne servent pas contre les gouvernements, mais contre les organisations de gauche, la classe ouvrière ou le peuple kurde. (...) Ce dont sont accusés aujourd'hui certains anciens dirigeants de l'armée et les assassins qui les entouraient n'est pas pire que les crimes qu'ils commettaient ouvertement et légalement, contre les Kurdes par exemple. Ils ont agi ainsi pendant des années, dans la période 1970-1980, contre des militants de la classe ouvrière puis contre des militants kurdes, et ont même été félicités pour cela. Pourquoi n'a-t-on jamais trouvé les assassins ayant commis le massacre du 1er mai 1977 (la fusillade contre la manifestation du 1er mai à Istanbul - NdT) ou ceux des villes de Çorum ou de Maras ?
Ceux-là sont sous procès aujourd'hui parce qu'ils ont voulu cette fois commettre des assassinats de leur propre initiative, mais pas pour les crimes qu'ils ont commis au Kurdistan et ailleurs quand ils étaient protégés par l'armée et par l'État. Le vrai procès devrait être celui-là.
Le procès contre Ergenekon permet au gouvernement de l'AKP de redorer un blason qui commence à s'user, avec les augmentations récentes des prix, avec l'inflation qui augmente de nouveau, le chômage qui se maintient et la paupérisation qui augmente (...). Lors des dernières élections l'AKP s'est présenté comme le parti qui allait obtenir l'adhésion à l'Union européenne et établir une véritable démocratie. Il est vrai que tous ceux qui en ont assez de la répression, des discriminations, de la guerre contre les Kurdes, du mépris de la bureaucratie et qui sont en colère contre l'arbitraire des généraux, aspirent à plus de liberté. Malheureusement tous ceux-là n'auront pas plus droit à la parole, même si aujourd'hui certains coupables sont jetés en prison.