La mort de Thomas Bata : Philanthrope ou exploiteur ?18/09/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/09/une2094.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La mort de Thomas Bata : Philanthrope ou exploiteur ?

La notice nécrologique consacrée par Le Monde daté du 6 septembre à l'industriel Thomas Bata, quasiment présenté comme un philanthrope, et sans jamais évoquer le sort qu'il a réservé aux travailleurs de son usine française, a de quoi laisser rêveur.

Thomas Bata, décédé au Canada début septembre à près de 94 ans, fut jusqu'au début des années 2000 le patron de la multinationale Bata, numéro un mondial de la chaussure, qui emploie à ce jour 40 000 travailleurs et possède 5 000 magasins, sans compter de nombreuses autres marques.

Thomas Bata était bien connu en Lorraine, du côté de Sarrebourg, où son père avait fait bâtir une usine au début des années trente, usine qui a contribué à la fortune du groupe et de la famille Bata, avant que Thomas Bata ne décide de s'en débarrasser comme on jette un citron pressé.

Plus de 850 travailleurs ont été licenciés début 2002, tout de suite pour la majorité d'entre eux, trois ans plus tard pour 250 autres, après la comédie du repreneur payé par Bata pour amortir le choc des licenciements. La fermeture avait été préparée des années à l'avance, fabriquée, organisée pour que cela coûte le moins cher possible au groupe, qui avait fait appel à un cabinet spécialisé pour organiser le massacre des emplois.

" Ce sont les syndicats qui ont provoqué la fin de l'usine ! Les salariés ne voulaient plus travailler ", avait affirmé avec morgue Thomas Bata, interrogé peu après la fermeture par France 3, Il fallait quand même oser ! À la fin de la cellule de reconversion, une petite centaine de travailleurs avaient retrouvé un CDI, la majorité n'ayant retrouvé que des petits boulots, l'intérim ou le chômage.

Bata avait la réputation d'être une entreprise paternaliste, mais c'était avant tout un patron de combat, violemment anticommuniste et antiouvrier.

De la ville de Zlin en Tchécoslovaquie, le père de Thomas Bata avait fondé un immense empire industriel, appliquant les méthodes de Ford à la production de chaussures : dans les années vingt, il avait ainsi divisé par quatre le coût de production d'une paire de chaussures.

Juste avant guerre, Thomas Bata partit au Canada, tandis que le successeur du fondateur du groupe, Jan, gardait la maison en Tchécoslovaquie jusqu'en 1941, date à laquelle il partit pour le Brésil. Les Bata avaient ainsi un pied chez les deux belligérants. L'usine de Zlin fonctionna pour l'armée allemande pendant la guerre et Jan Bata fut condamné après celle-ci pour collaboration à quinze ans de prison, les biens de Bata étant nationalisés par le gouvernement d'union nationale en 1947, avant l'instauration d'un régime stalinien en 1948.

Cela n'a pas empêché Thomas Bata de réclamer des indemnités de l'État tchèque dans les années 1990, après la chute du Mur de Berlin. Indemnités qu'il n'a jamais obtenues, malgré ses liens amicaux avec les nouveaux dirigeants : Vaclav Klaus, le président de la République tchèque, était ainsi présent lors de son 90e anniversaire au château de Prague.

Le fils de Thomas Bata, qui dirige maintenant le groupe, s'appelle également Thomas. Il vit dans le canton de Vaud en Suisse, à la tête d'une fortune estimée à 2,2 milliards d'euros. Les hommes passent, la fortune de la bourgeoisie demeure.

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