Espagne : une mobilisation réactionnaire15/11/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/11/2885.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : une mobilisation réactionnaire

Dimanche 12 novembre, à l’appel du Parti populaire et de l’extrême droite, un demi-million de manifestants se sont rassemblés dans les principales villes d’Espagne. Ils s’opposaient à l’accord du socialiste Pedro Sanchez avec les indépendantistes catalans, en vue de former un nouveau gouvernement.

À l’issue des élections anticipées du 23 juillet dernier, la droite est arrivée en tête, mais ni la gauche ni la droite ne disposent d’une majorité suffisante pour gouverner. Pour la gauche, la seule issue pour rester au gouvernement, après avoir perdu une partie de ses électeurs au fil de la crise, a consisté à chercher les voix des députés indépendantistes catalans. Alors que le référendum d’indépendance de la Catalogne de 2017 avait été sanctionné par de nombreuses peines de prison, Pedro Sanchez propose désormais une loi d’amnistie. Toutes les condamnations seraient annulées, dont celle de Carles Puigdemont, président de Catalogne à l’époque, en exil depuis fin 2017. Cette concession faite aux indépendantistes pour rester au gouvernement a remobilisé des secteurs réactionnaires qui s’étaient déjà agités ces dernières années, notamment lors des conflits en Catalogne.

Depuis deux semaines, des milliers de ces petits bourgeois réactionnaires se rassemblent tous les soirs devant des sièges du Parti socialiste, notamment à Madrid. Ils y scandent des slogans hostiles à Sanchez, aux nationalistes catalans, aux immigrés, et parfois le chant franquiste Cara al sol. Après des années de crise et de discrédit de la gauche au pouvoir, ces milieux réactionnaires, venant surtout des quartiers chics, se sentent aujourd’hui renforcés. Ils trouvent aussi des appuis dans une partie des institutions, qui n’a jamais complètement rompu avec le passé franquiste.

Des organisations de policiers, de gardes civils et de juges se sont également élevées contre le projet d’amnistie de Sanchez, la qualifiant d’atteinte à l’unité de l’Espagne et à la légalité. Des évêques se sont prononcés dans le même sens. Devant l’instabilité politique actuelle, une partie du patronat, notamment à travers la CEOE (sorte de Medef espagnol) a aussi exprimé son désaccord avec Sanchez, par crainte de ce que cette situation peut causer pour ses affaires.

Les courants d’extrême droite qui crient aujourd’hui leur colère devant les sièges socialistes pourraient demain s’en prendre à bien d’autres locaux politiques, syndicaux ou à des mouvements de travailleurs. Pour les défendre, ceux-ci ne pourront compter ni sur les forces de police, ni sur la Constitution, ni sur la gauche réformiste, qui a amené la poussée réactionnaire actuelle, mais sur leurs propres forces.

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