“L’Amérique face à l’holocauste” : ce que fut la politique des États-Unis face aux persécutions antijuives des nazis08/11/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/11/2884.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

guerre au moyen-orient

“L’Amérique face à l’holocauste” : ce que fut la politique des États-Unis face aux persécutions antijuives des nazis

Les 17 et 18 octobre, Arte diffusait un documentaire de six heures : L’Amérique face à l’Holocauste, version française de The US and the Holocaust (2022, 2023) de l’auteur Geoffrey C. Ward et des réalisateurs Ken Burns, Lynn Novick et Sarah Borstein.

Au moment où les dirigeants américains se présentent comme de grands combattants contre les persécutions antijuives, cette série est un rappel utile. Elle montre quelle fut la politique des États-Unis, sous Roosevelt, vis-à-vis des persécutions subies par les Juifs d’Allemagne, puis d’autres pays européens, politique qui fut définie comme « les bras fermés de l’Amérique ».

L’arrivée de Hitler au pouvoir en janvier 1933 posa immédiatement pour la population juive la question : pouvait-on échapper à l’antisémitisme officiel du régime, traduit tout de suite en mesures restrictives pour les Juifs dans divers domaines, en fuyant à l’étranger ? Ces mesures s’accompagnaient de nombreuses violences dont le point d’orgue fut la « Nuit de cristal » des 9 et 10 novembre 1938. Les destructions de synagogues, d’appartements, d’entreprises juives étaient accompagnées de l’internement de milliers de Juifs dans des camps pour des périodes variables, avant d’en arriver plus tard à la politique d’extermination.

Une conférence internationale sur la crise des réfugiés fut réunie à Évian en juillet 1938, à l’appel du président Franklin Roosevelt, avec des représentants de 32 pays. La quasi-totalité, les USA inclus, refusèrent de modifier leurs lois d’immigration pour accueillir les réfugiés Juifs. Les tenants de la politique de Roosevelt invoquaient notamment le contexte existant aux États-Unis pour justifier leur passivité, avec le problème du chômage de masse, qui avait explosé à partir de 1932 au travers de la Grande Dépression, puis s’était réduit mais sévissait à nouveau.

Mais les mêmes invoquaient aussi l’hostilité marquée d’une majorité de la population américaine à l’accueil de nouveaux immigrants, dans l’esprit des lois de 1924 qui avaient interdit toute immigration d’Asie et institué des quotas, d’autant plus faibles qu’ils concernaient les populations les plus à l’Est de l’Europe ! Cette hostilité était de plus ouvertement exprimée par des personnalités antisémites comme Henry Ford, le magnat de l’automobile, ou le prêtre Coughlin qui, dans des émissions de radio, accusait les Juifs de manipuler les institutions financières et de conspirer pour contrôler le monde.

Tout cela se déroulait dans un pays où la ségrégation envers les Noirs se perpétuait. L’administration américaine mit en place ou appliqua rigoureusement les obstacles à l’accueil de réfugiés prévus dans les lois sur l’immigration, qui exigeaient de la part des demandeurs des lettres de recommandation, des visas de sortie et de transit, ainsi que le versement de milliers de dollars. À la mi-1938, près de 140 000 Allemands et Autrichiens, la plupart juifs, avaient déposé des demandes de visa américain. Durant l’année, ce nombre atteignit 300 000, créant une liste d’attente pour onze ans.

Un autre drame survint lorsque, en mai 1939, le navire M.S. St Louis, transportant 937 passagers, pour la plupart des Juifs de Hambourg, vers La Havane, ne put en laisser débarquer que vingt-huit à son arrivée à Cuba. S’étant alors dirigé vers Miami, il fut repoussé selon les dispositions des lois américaines sur l’immigration et contraint de regagner l’Europe, où beaucoup de passagers allaient périr dans les camps.

Un article du New York Times du 2 septembre 2022 se lit comme une condamnation de la politique américaine envers les victimes du régime hitlérien : « Même après la fin de la guerre, alors que les actualités cinématographiques avaient montré les libérateurs américains stupéfaits par la vision des cadavres ambulants et des empilements de corps, les antisémites du Département d’État et du Congrès continuèrent de résister. Résultat : des dizaines de milliers de survivants juifs restèrent entassés jusqu’en 1950 dans des camps sommaires de personnes déplacées, alors que des collaborateurs des nazis en Ukraine, Lituanie, Estonie et Lettonie étaient laissés libres parce que considérés comme de solides anticommunistes. »

Partager